Après les événements survenus à Verviers, et à la suite des attentats commis en France, Sami Al Deeb, professeur de droit musulman, nous livre ses impressions.
Sami Al Deeb (photo) est un juriste palestinien, professeur de droit musulman, de nationalité suisse. Voix libre dans le concert des voix qui s’élèvent à l’occasion de la tuerie des caricaturistes de Charlie Hebdo, il est auteur de nombreux livres sur le Coran, la loi coranique, ou le statut des minorités en Islam. Il est également l’auteur d’une traduction du Coran, en restituant les sourates dans leur ordre chronologique, ainsi que d’une traduction de la Constitution suisse pour la Confédération.
Cela fait des années que vous appelez à une réforme de la pensée musulmane. Après les événements des derniers jours en France, cet appel prend une dimension d’actualité nouvelle. Quelles seraient les priorités de cette réforme selon vous ?
Lorsque les murs d’une maison se fissurent et qu’un arbre tombe malade, il faut descendre aux fondements de la maison et aux racines de l’arbre pour voir ce qui se passe. Ceci a été fait en Europe avec les philosophes des lumières, mais la communauté musulmane s’interdit de remettre en question certains passages du Coran, le statut sacré du livre coranique et celui de la personne du prophète. En effet, de nombreux versets coraniques incitent à la violence à l’égard des non-musulmans. Il faut que la parole se libère à l’intérieur de l’Islam.
Cette réforme dont vous parlez, relève des autorités internes au monde musulman. Mais que peuvent faire les autorités françaises ?
Les autorités françaises ont ouvert la porte à des groupes qui ne s’intégreront pas sans cette remise en question de la religion musulmane. Il me semble donc que la France doit clairement informer les musulmans que les lois françaises ont la priorité sur leurs normes religieuses. Celles-ci doivent être examinées par le Conseil d’Etat et les tribunaux pour déterminer si elles violent les lois françaises et les droits de l’homme.
Une réforme des institutions représentant l’Islam de France serait-elle utile et comment ?
Il y a eu beaucoup de laxisme de la part des autorités françaises à l’égard des responsables religieux de la communauté musulmane. Les prêches des imams devraient être contrôlés préalablement par un service adéquat. Aucun imam ne devrait être autorisé à officier sans une autorisation administrative, des certificats d’aptitude et un engagement à respecter les lois nationales. Et si un organisme religieux est établi, il doit s’engager au respect des lois étatiques et des droits de l’homme, y compris la liberté religieuse et le droit de changer de religion.
De nombreux pays arabes et musulmans sont eux même dans des situations de convulsion. L’Occident ne porte-t-il pas une part de responsabilité dans l’histoire récente de l’Irak ou de la Libye ?
On peut aussi se demander ce qui serait arrivé si les pays occidentaux n’étaient pas intervenus. Les pays arabes et musulmans ont des problèmes structurels dans lesquels la religion joue un rôle prépondérant. Sans une refonte de la pensée islamique dans les pays arabo-musulmans, ces pays resteront des foyers de tension et d’autodestruction internes.
Propos recueillis par Laurence D’Hondt