Au Niger, 90 personnes ont été arrêtées dimanche après un week-end marqué par les violences. De très nombreuses églises ont été incendiées. Les autorités confirment cinq décès parmi les chrétiens et plus d’une centaine de blessés.
Samedi, des manifestants descendus dans la rue pour condamner la caricature du prophète Mahomet, publiée la semaine dernière par l'hebdomadaire français Charlie Hebdo, avaient brûlé un drapeau français et mis le feu à la plus grande bibliothèque de la ville, celle du Centre culturel franco-nigérien. La dizaine d’églises que compte Zinder avaient été brûlées ou saccagées. Dimanche, ces violences ont touché la capitale Niamey. Les manifestations ont dégénéré en émeutes. 12 églises ont été incendiées. Seule la cathédrale a été préservée.
Mgr Michel Cartatéguy, archevêque de Niamey, dit toute son incompréhension et son inquiétude. « Nous sommes encore sous le choc » déclare-t-il. « 12 églises sur 14 ont été complétement pillées, saccagées, profanées. Tout est brulé (…) il ne reste plus rien, tout est ruines et poussières ». « Seule la cathédrale est encore debout, mais pour combien de temps ? » s’interroge Mgr Cartatéguy. L’archevêque de Niamey dit avoir réuni ce lundi matin les prêtres et responsables des communautés « pour prier en silence et méditer sur l’amour des ennemis ». « Nous sommes peut-être, souligne-t-il, en train de vivre l’agonie de Jésus dans nos propres corps ».
Heureusement, « nous avons des témoignages forts de solidarité de la communauté musulmane ». Mgr Cartatéguy indique que « plusieurs religieuses ayant tout perdu ont été protégées et sont encore dans des familles musulmanes ». A Zinder, deuxième ville du pays, plus de 300 chrétiens se trouvaient toujours dimanche soir sous protection militaire.
Le mouvement pourrait encore s’amplifier
« Nous n’avons rien contre la communauté musulmane et sur place nous n’avons aucun problème avec elle », insiste-t-il, soulignant que les responsables de ces actes « sont des gens qui sont manipulés ». Face à cet embrasement, l’archevêque de Niamey demande « une protection à outrance de la part des autorités » et exprime son inquiétude : « cela pourrait continuer (…) on est en train de repérer les chrétiens qui sont dans la ville ».
Comment expliquer ce déchaìnement visant la France et les chrétiens ?
Selon André Bourgeot, anthropologue spécialiste du Sahel et directeur de recherche émérite au CNRS, le mouvement de Boko Haram s’inscrit dans la même démarche que l’Etat islamique : celle qui consiste à atteindre non seulement le moral des Etats qui se mobilisent contre leurs actions, mais aussi de l’opinion.
Samedi soir, une vingtaine d'oulémas, des théologiens musulmans, ont appelé au calme les centaines de manifestants. « N'oubliez pas que l'islam est contre la violence. J'appelle hommes et femmes, garçons et filles à se calmer. Les actions de destruction ne sont pas cautionnées en islam », a exhorté le prédicateur Yaou Sonna, qui comme les autres dignitaires musulmans s'exprimait devant les caméras de la télévision publique.
Un bilan très lourd
"Des dégâts importants ont été enregistrés: 45 églises, cinq hôtels, 36 débits de boissons, un orphelinat et une école chrétienne ont été pillés avant d'être incendiés", a énuméré le porte-parole de police nigérienne, Adily Toro, lors d'une conférence de presse. Les protestations, en plus des cinq morts annoncés samedi, ont par ailleurs fait 128 blessés, tandis que 189 personnes ont été interpellées, a-t-il ajouté (source : La Libre).
MVL (avec Radio Vatican)