Il y a deux semaines, différents médias francophones et néerlandophones révélaient l’ampleur des mesures d’économie que le programme du gouvernement prévoit pour le monde culturel. A la stupéfaction des acteurs de terrain, dont le Directeur du Théatre de la Monnaie, Peter de Caluwe, qui a parlé d’un risque de « black out culturel ». Sont concernés les institutions biculturelles fédérales à Bruxelles (la Monnaie, Bozar et l’Orchestre national de Belgique), mais également les établissements scientifiques fédéraux, dont les grands musées. Depuis deux jours, le débat est relancé, suite aux déclarations du ministre fédéral Didier Reynders.
C’est en tant que ministre de tutelle des trois institutions fédérales culturelles à Bruxelles que Didier Reynders (MR) a évoqué, ce mercredi 4 novembre, son intention de réduire les économies imposées au Théâtre de la Monnaie, au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles et à l’Orchestre national de Belgique. Il a invoqué, à ce sujet, une sorte « d’exception culturelle » permettant à ces institutions prestigieuses d’échapper à la moitié de l’effort budgétaire demandé, soit 2,7 millions d’euros au lieu des 5,1 millions prévus initialement par le gouvernement fédéral. Rappelons que, pour l’ensemble du monde culturel fédéral, c’est 15 à 30 % de réduction de subsides qui, à terme, seraient prévus.
Suite à cette sortie du ministre Reynders, la secrétaire d’Etat Elke Sleurs (N-VA), chargée de la politique scientifique fédérale et, à ce titre, responsable aussi de la politique culturelle fédérale dans son ensemble, a également réagi. Selon elle, « Didier Reynders ne parle que pour lui-même sans avoir eu l’aval du conseil des ministres ». Toujours selon elle, les propositions de Didier Reynders, s’écartent de ce qui a été prévu dans l’accord de gouvernement fédéral…, mais pourra, le cas échéant, faire l’objet d’une discussion lors d’une réunion ministérielle ce vendredi 7 novembre.
La culture, l’un des fondements d’une société équilibrée
Affaire à suivre, donc. Mais, quoiqu’il en soit des décisions futures, et au-delà des questions budgétaires, politiques, voire communautaires qu’impliquent ces décisions, nous nous trouvons également face à un enjeu de civilisation, de nature proprement spirituelle. Si tout le monde s’accorde à dire, y compris les différents acteurs politiques, qu’une éducation de qualité est un défi majeur pour l’avenir de notre société, il en va de même pour tout ce qui relève de la culture. Que ce soit l’initiation à la littérature, aux arts plastiques, à la musique, ou à d’autres formes artistiques encore, il s’agit d’éveiller les enfants, et plus encore les adolescents, non seulement à des valeurs esthétiques mais, à travers elles, à la question existentielle du sens. Et donc aussi à la spiritualité qui, compris au sens le plus fondamental, constitue le « coeur » de la vie de toute personne, quelles que soient ses convictions philosophiques ou religieuses.
Escamoter la culture, c’est risquer de tomber dans une forme de barbarie existentielle, où l’homme est réduit à un être de consommation, voire à un objet de consommation. Et l’on sait que le rejet d’un tel modèle de civilisation, notamment par les jeunes, peut conduire, en réaction, à d’autres formes de barbarie bien plus dangereuses encore, comme on le voit aujourd’hui en Syrie ou en Irak…
Christophe Herinckx (avec La Libre Belgique)
Photo: (c) www.bruxbelle.be
Légende photo: Théâtre Royal de la Monnaie