Les trois grandes traditions monothéistes se sentent toutes étroitement liées à leurs lieux sacrés. La volet le plus important de l’exposition prestigieuse « Lieux sacrés/Livres sacrés » à Anvers porte sur les pèlerinages.
Comme les juifs continuent à se rendre à Jérusalem malgré la destruction du Temple en l’année 70, chaque musulman rêve pouvoir au moins une fois pendant sa vie terrestre accomplir son « hadj » à la Mecque et grand nombre de chrétiens prennent encore la route pour Montaigu, Rome ou Saint-Jacques de Compostelle. Les traditions religieuses diffèrent, les lieux de culte sont parfois différents – pas toujours : Jérusalem est une destination privilégiée pour les trois religions monothéistes – mais les motivations les plus profondes des pèlerins chrétiens, juifs et musulmans se ressemblent merveilleusement bien, tout comme leur vécu du départ, de la route en solitaire ou en groupe, des rituels une fois arrivé à destination et des souvenirs qui font de chaque pèlerinage un événement non seulement intense mais durable également.
Le troisième étage du Museum Aan de Stroom (Mas) n’étant pas un espace trop vaste, cette exposition d’objets d’art et de pièces dévotionnelles évoquant les pèlerinages chrétiens, juifs et musulmans est particulièrement dense. Le visiteur est censé y consacrer au moins deux heures de visite, le petit guide du visiteur à la main. Faute de place pour des pancartes explicatives à côté des vitrines ou des objets exposés, le visiteur, s’il ne dispose pas de ce petit guide, risque de ne pas profiter pleinement de cet ensemble. Le petit fascicule est également disponible en Français ; une chance, car le beau catalogue de l’exposition n’existe hélas qu’en Néerlandais et en Anglais. Les témoignages audiovisuels le long du parcours sont heureusement aussi traduits en Français et ils valent clairement la peine de s’y attarder de temps en temps. Une dizaine d’anversois – chrétiens, juifs et musulmans pêle-mêle – y racontent leurs histoires de pèlerinage souvent émouvantes et démontrent ainsi que la quête du pèlerin surpasse les différences entre nos traditions religieuses.
La présence à Anvers de certains objets exposés est un miracle en soi. La ‘Vierge de Lorette’ du maître baroque Le Caravage ne quitte en principe jamais la Basilique de Saint Augustin près du Champs de Mars. L’œuvre a été prêtée à Anvers sous la stricte condition de retourner à Rome avant Noël. La serrure et la clé de la Ka’aba datant du règne du sultan Ibrahim début du XVIIe siècle provient du Musée Topkapi à Istanbul. Et le tableau de peintre juif Marc Chagall de 1932 nous montre le ‘Mur des Lamentations’ qui longeait encore une petite ruelle étroite à Jérusalem à l’époque. Ce tableau provient d’une collection privée et n’est habituellement jamais accessible au grand public. Ce sont d’ailleurs surtout les objets inattendus qui rendent cette exposition passionnante : les petites boîtes juives contenant de la terre de Terre sainte, les fragments de la « kiswa », le voile qui recouvre la Ka’aba à la Mecque et qui est remplacée chaque année tandis que l’ancienne « kiswa » est coupée en morceaux pour les pèlerins, et les flacons en plastique à l’image de la Vierge de Lourdes.
Benoit Lannoo – photo: Expo salle de la Bibliothèque du MAS à Anvers, La Vierge de Lorette (Le Caravage)
‘Lieux sacrés’ au Museum Aan de Stroom (Mas), Hanzestedenplaats 1 à Anvers jusqu’au 18 janvier 2015, du mardi au vendredi de 10h à 17h, le samedi et le dimanche de 10h à 18h, nocturne jusque 21h les jeudi 27 novembre et 18 décembre ; fermé le 25 décembre et le 1er janvier.