Alors que la chute du président Blaise Compaoré, au pouvoir depuis 1987, fait la une de l'actualité africaine, une lettre pastorale de l'épiscopat burkinabé, relayée par l'agence Fides, donne une clef de lecture des évènements actuels.
Après 27 ans à la tête du pays, le président du Burkina, Blaise Compaoré a annoncé ce vendredi qu'il quittait le pouvoir, dans un communiqué lu sur une télévision locale. Malgré les violences et les émeutes de jeudi, le président avait dans un premier temps refuser de démissionner. « Dans le souci de préserver les acquis démocratiques, ainsi que la paix sociale (...), je déclare la vacance du pouvoir en vue de permettre la mise en place d'une transition devant aboutir à des élections libres et transparentes dans un délai maximal de 90 jours », stipule le communiqué.
Le chef d'état-major de l'armée burkinabè, le général Nabéré Honoré Traoré, a annoncé vendredi dans un communiqué qu'il assumera les responsabilités de chef de l'Etat. Il a affirmé agir « conformément aux dispositions constitutionnelles ». Mais cette annonce n’a pas plu aux de dizaines de milliers de manifestants, qui manifestaient contre la volonté du président déchu de modifier la constitution pour briguer un nouveau mandat en 2015. Cette fois, l’opposition et les manifestants protestent contre ce qu’ils appellent « le coup d’Etat » de l’armée. Ce vendredi matin, ils ont manifesté devant l'état-major contre le général Traoré, considéré comme trop proche du chef de l'Etat sortant.
La lettre pastorale prémonitoire
Cette crise au Burkina faso avait été anticipée, dès l’été 2013, par les évêques du pays. Dans une lettre pastorale datée du 15 juillet 2013, les évêques décrivaient « une société jeune et en colère à cause du manque de perspectives dues à une politique corrompue, mais également plus consciente et plus informée grâce à la diffusion des nouvelles technologies. »
Le document précisait que « 46 % de la population burkinabé a moins de 15 ans, et 59 % a moins de 20 ans ». Et les évêques de rappeler : « Cette jeunesse est surtout insatisfaite et perdue à cause de l’absence de modèle social. L’image que leur renvoient tous ceux et toutes celles qui exercent quelque pouvoir est plutôt négative car elle est brouillée par la corruption et le clientélisme ; d’où la tentation pour une partie de cette jeunesse de couver la violence fondée sur des ressentiments, ou de s’engager dans des deals voire des relations maffieuses pourvu que ça rapporte de l’argent rapidement ».
Les évêques dénonçaient en outre les fortes disparités sociales existant entre une pauvreté de masse « lancinante » qui fait que 44% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, et la richesse détenue par un petit groupe, qui se partage le pouvoir politique et financier au travers de la corruption et de l’usage des biens de l’État à des fins personnelles.
J.J.D. (avec Radio Vatican et Fides)