Membre de l’assemblée générale de l’Exécutif des musulmans, l’imam anversois Nordine Taouil estime que les organisations islamiques belges doivent agir urgemment. "Des points de vue clairs" doivent être adoptés pour "rassurer les gens".
Nordine Taouil exerce la fonction d’imam à Anvers. Interrogé par Le Vif, il explique qu’il rencontre régulièrement des parents dont un des enfants est parti combattre en Syrie. "Les mères pleurent toutes les larmes de leur corps", confie-t-il. L’Etat islamique a mis en place tout un système de propagande et, même s’il recrute majoritairement des hommes, les femmes sont également dans le collimateur des djihadistes pour assurer la descendance. Leur moyen de communication s’appuie sur une instrumentalisation des informations, sur l’isolement, à la manière d’un groupe sectaire. Les pays européens, arabes, mais aussi les Etats-Unis, le Canada et des pays d’Océanie sont confrontés à ce recrutement clandestin. Les réseaux sociaux sont des cibles prisées par les djihadistes qui y postent des citations du Coran, des images émouvantes et des vidéos extrêmement violentes...
Nordine Taouil assure qu’Internet est largement utilisé par les jeunes musulmans anversois qui cherchent à approfondir leur foi et leur connaissance de l’islam. "La plupart des imams viennent de l'étranger et ne parlent pas le néerlandais", renseigne-t-il. Les jeunes, eux, n’ont qu’une faible, voire aucune, connaissance de l’arabe. Ils se documentent alors sur Internet, où tout un chacun est libre de raconter n’importe quoi. Pour lutter contre tout endoctrinement éventuel, "il faut moderniser d'urgence les mosquées flamandes", estime l’imam anversois. "Les musulmans doivent apprendre qu'ici ils ne doivent pas seulement vivre avec leur corps, mais également avec leur raison."
Une responsabilité morale
Nordine Taouil regrette que l’Exécutif des musulmans ait tardé à réagir et aux événements qui secouent la Syrie et le reste du monde. L’escalade ignominieuse des événements préoccupent et terrorisent beaucoup de gens qui "se demandent combien de musulmans flamands partagent la mentalité de l'EI." "C'est à nous de les rassurer", ajoute l’imam. "Les organisations islamiques de ce pays doivent se faire entendre. Nous devons adopter des points de vue clairs." Nordine Taouil estime que l’Exécutif des musulmans doit être présent, accompagner, expliquer et doit le faire davantage quand la situation s’envenime. Il en va de son "devoir" car l’Exécutif"porte une responsabilité morale", insiste-t-il.
Il y a quelques semaines, Bart de Wever avait appelé l’Exécutif des musulmans à réagir face à cette situation et aux actes commis par l’EI. L’exécutif avait répondu en publiant un message dans la foulée, ce qui n’avait pas ravi certains musulmans qui estiment ne rien avoir à faire avec l’EI. "Ils ne se sentent pas du tout liés à cet extrémisme brutal, et se demandent pourquoi ils doivent se justifier. Je comprends cela aussi", nuance Nordine Taouil.
"Je t’enverrai des fleurs de Damas"
Après que deux jeunes de son école aient quitté la Belgique du jour au lendemain pour aller combattre aux côtés des djihadistes, l’auteur belge Frank Andriat s’est intéressé à la question du recrutement et de l’endoctrinement exercé par l'EI. Son roman "Je t’enverrai des fleurs de Damas" vient de paraître aux éditons Mijade. "Ce roman à plusieurs voix raconte l’émoi soulevé par le départ de deux élèves sans histoire: la Syrie devient leur enfer, mais, pour ceux qui restent, c’est l’enfer aussi", peut-on lire en quatrième de couverture. Un roman que Frank Andriat dédie à "celles et ceux, qui, d’une façon ou d’une autre, ont vécu le départ de leur enfant, de leur ami, pour un pays en guerre" et aux "adolescents victimes de manipulations."
S.T. (avec le VIF)
Frank ANDIRAT, "Je t’enverrai des fleurs de Damas", ed.. Mijade, 2014, 139p.