Du 7 au 9 septembre, Anvers accueille la Rencontre internationale de la Paix, dont le thème est « La Paix est l’avenir ». Une rencontre dans l’esprit d’Assise, initiée à l’époque par Jean-Paul II et dont l’organisation a été reprise par la suite par la communauté Sant’Egidio. Nous avons rencontré Jan De Volder, coordinateur de la rencontre « La Paix est l’Avenir ».
Jan De Volder était déjà présent à Assise en 1986 et à toutes les éditions des rencontres inter-religieuses que Sant’Egidio a organisé « dans l’esprit d’Assise » chaque année depuis lors.
La communauté de Sant’Egidio a poursuivi depuis 1987 un véritable pèlerinage à travers les principales villes européennes en y organisant chaque année une nouvelle rencontre inter-religieuse « dans l’esprit d’Assise » ; une démarche évidente ?
Pas du tout. Jean Paul II nous a toujours fortement soutenus, mais il y avait pas mal d’opposition au début au Vatican par rapport à la continuation de ces rencontres. Certains voulaient absolument que la journée du 27 octobre 1986 à Assise demeure une image unique, qui ne devait surtout pas se répéter.
D’autres craignaient le syncrétisme voire le relativisme religieux, c’est-à-dire le sentiment que toutes les religions se valent. La rédaction de la déclaration Dominus Iesus par la Congrégation pour la doctrine de la foi, dont le cardinal Joseph Ratzinger était le préfet, est souvent citée comme une réponse à ces risques d’équivoque. Mais une fois devenu lui-même pape, Benoît XVI a reconnu l’importance fondamentale du dialogue et a voulu personnellement réorganiser Assise, en 2011, au 25ème anniversaire de l’événement initial.
La communauté de Sant’Egidio a d’ailleurs immédiatement peaufiné le concept de ces rencontres. Nous prenons au sérieux les craintes de relativisme ou syncrétisme. C’est pourquoi les leaders religieux prient pour la paix au même moment et dans la même ville, mais pas au même endroit. Chacun prie selon ses propres rites dans un espace réservé à sa propre tradition ; seuls les représentants des différentes confessions chrétiennes se retrouvent au même endroit pour une prière œcuménique pour la paix. La cérémonie de clôture commune ne fait stricto sensu pas partie de la prière.
Par ailleurs, nous organisons également des panels de dialogue interreligieux. Le but de ce dialogue consiste à examiner comment les forces humanistes de ce monde, qu’elles soient croyantes ou non-croyantes, peuvent se rallier dans la construction d’un monde meilleur. Il ne s’agit donc nullement rencontres théologiques ! C’est pour le monde ci bas que nous nous rencontrons, c’est pour la paix dans ce monde que nous prions. Ce qui est dès lors fondamental, c’est que les religions ne prient pas l’une contre l’autre, mais dialoguent et prient ensemble pour une paix commune.
Lors de la Rencontre d’Anvers, y a-t-il aussi un programme répondant aux particularités anversoises ?
Oui, le mardi 9 septembre, des étudiants d’avant-dernière et dernière année d’humanités issus d’écoles catholiques, juives et publiques de la ville, écouteront des témoignages et parcourront ensemble les différents lieux de culte anversois pour y témoigner pour leur engagement pour la paix. Nous avions prévu mille participants ; on a du clôturer les inscriptions une fois le double du nombre prévu atteint. Un risque ? Sans doute, mais il vaut la peine d’être pris.
Car, entretemps, la paix dans le monde semble plus éloignée qu’auparavant…
L’édition de 2001 avait été clôturée le 4 septembre, une semaine avant les attentats du World Trade Centre; mais l’esprit d’Assise de 1986 était déjà une réponse anticipée au soi-disant choc des civilisations. La rencontre de cette semaine à Anvers est dès lors une des éditions organisée dans des circonstances internationales les plus délicates. Qui avait prévu cet été meurtrier ? Le conflit entre Israël et Palestine est fortement ravivé. La guerre en Syrie s’est élargie vers l’Irak et après les chrétiens d’Alep, ce sont les chrétiens de l’ancienne plaine de Ninive et Mossoul qui sont persécutés. La Libye est en proie de chaos et tout le Sahel semble déstabilisé. Du Mali et le Nord du Nigéria en passant par le Niger et le Tchad au Sud-Soudan, tous sont victimes de fanatisme… ainsi que de l’apport en masse d’armement de toutes sortes. Et au lieu de répondre ensemble à ces défis, l’Occident et la Russie s’opposent sur l’Ukraine. Aujourd’hui, les religions ne peuvent plus échapper au choix fondamental entre d’une part le fanatisme – une tentation pour chaque conviction ou idéologie – ou d’autre part la conversion à l’autre, au respect pour ses convictions, à la tolérance et au vivre-ensemble.
Quel résultat attendez-vous de cette rencontre ?
Il s’agit surtout de créer des liens de compréhension et appréciation mutuelle. Nous sommes des semeurs, pas des moissonneurs. Et nous ne semons que de toutes petites graines… Comme pendant la Grande Guerre dont nous commémorons le commencement il y a cent ans, notre monde tremblai sous les bombardements et la violence. Où est Dieu dans tout cela ? J’ose répondre avec ce que le prophète Elie a vécu sur la montagne : Dieu n’est ni dans le vent, ni dans le tremblement de terre, ni dans le feu, mais Il est dans le bruissement d’un souffle ténu (1 Rois 19,11-12). L’esprit d’Assise est comme ce bruissement d’un souffle, mais dont le monde a tellement besoin.
Propos recueillis par Benoit Lannoo
Le programme de la rencontre interreligieuse « La Paix est l’Avenir » du 7 au 9 septembre à Anvers via www.santegidio.org .