Ces derniers jours, plusieurs « faits divers » nous ont rappelé combien le racisme pouvait « polluer » le sport, y compris au plus haut niveau. Grand amateur de football, le pape va profiter de la prochaine Coupe du monde au Brésil pour délivrer son message à la « planète foot ».
C’est la présidente du Brésil, Dilma Rousseff, qui l’a annoncé aux médias de son pays: un message du pape François contre le racisme sera lu avant le match d’ouverture du Mondial, le 12 juin prochain et qui verra le Brésil affronter la Croatie à São Paulo. Ce message sera lu par un joueur de l’équipe nationale brésilienne, a précisé le chef de l’Etat. Il sera surtout, on l’espère, entendu par des centaines de millions de téléspectateurs, peut-être même plus, sachant que la Coupe du Monde est un des événements qui affole tous les quatre ans les records d’audience.
Mme Rousseff a proposé au pape argentin d’assister au Mondial, mais celui-ci aurait cependant décliné l’invitation, malgré la passion – qu’il n’a jamais cachée – pour ce sport.
La présidente du Brésil a aussi déclaré que le gouvernement brésilien comptait s’appuyer sur le Mondial pour lancer différents événements contre le racisme, précisant qu’elle en appellerait également aux autres Eglises. « Nous devons transformer cette Coupe en un rendez-vous mondial contre le racisme », a dit Mme Rousseff, citée par O Globo.
La banane de Dani Alves
Elle a raison. Et l’actualité récente a encore malheureusement rappelé combien le racisme hante toujours le sport.Ainsi, aux Etats-Unis, Donald Sterling, le propriétaire et président des Los Angeles Clippers, un club de basket qui dispute en ce moment les phases finales de la NBA, le prestigieux championnat américain, vient d’être suspendu à vie par sa fédération et d’écoper d’une amende de 2,5 millions de dollars pour des propos nauséabonds. Piégé dans une conversation téléphonique avec sa petite amie, il lui reprochait de « se montrer avec des Noirs » lors des matchs de basket de son équipe. Cet homme n’est pas le premier à être accusé de racisme dans le sport américain, mais son cas a fait réagir jusqu’au président Obama, qui a personnellement dénoncé ses propos.
En Europe, c’est une banane lancée depuis les tribunes (geste hélas! récurrent dans le foot) du club espagnol de Villareal qui a remis les affres du racisme à la une de l’actualité, et provoqué le « buzz » médiatique en raison de la réaction du joueur à qui elle était destinée, Dani Alves. Le défenseur brésilien de Barcelone n’a pas voulu passer pour une victime, même si cela fait plus de dix ans qu’il doit essuyer régulièrement des insultes racistes de la part de supporters adverses. Il a alors ramassé le fruit et l’a mangé.
Les images ont fait le tour du monde et les réseaux sociaux ont appuyé l’engouement de l’opinion publique pour cette réaction. Par ailleurs, le geste a été ensuite imité par de nombreuses stars du football mondial via Twitter, relayant ainsi le message « Nous sommes tous des singes », lancé par un autre joueur brésilien, Neymar, dans le cadre d’une campagne organisée par son agence de communication. Même la présidente du Brésil, Dilma Rousseff, a félicité le joueur et encouragé le mouvement né sur le réseau social qui gazouille. « Nous sommes tous des singes », a-t-elle aussi lancé !
Les sanctions restent nécessaires
Dani Alves voit dans cette banane lancée davantage de bêtise que de racisme. Et pense qu’il faut davantage éduquer les gens que les sanctionner. Mais si son geste est « extraordinaire » et « qu’il fait plus pour la lutte antiraciste que beaucoup de campagnes officielles qui sont souvent ‘langue de bois' », selon Edouard Delruelle, ancien directeur du centre pour la lutte contre le racisme, il ne va pas éradiquer à lui seul le racisme du foot. Il faut aussi punir et faire des procès », estime le philosophe.
En Belgique, comme ailleurs, le racisme n’a jamais quitté les stades de football, quel que soit le niveau. Ce qui a changé, c’est la loi et le montant des amendes de plus en plus lourdes. Des comportements racistes dans une tribune peuvent naturellement être récriminés dans le cadre de la loi Moureaux. S’ils sont du fait d’un groupe de supporters, l’article 55 du Code disciplinaire de la Fifa (fédération Internationale de football) peut aussi être appliqué et le club risque une sanction de 30.000 francs suisses et d’un match à huis-clos. Mais jusqu’à présent, les responsables du foot belge n’ont pas eu la main très lourde. Ainsi, en septembre 2011, le club de Beerschot a été condamné pour chants racistes à une amende de 16.400€ par l’Union belge. Finalement, la commission d’appel a ramené la somme à 2.480€… Il reste donc du chemin à faire.
Pierre GRANIER
Photo: le pape François rencontrant le footballeur Louis Saha