Plusieurs ONG se sont unies pour dénoncer le fait que les entreprises européennes continuent à se fournir en minerais provenant de zones de conflit. Selon ces organisations, la proposition législative de la Commission européenne relative à l’approvisionnement responsable n’est pas suffisamment stricte.
Plus de 60 organisations non gouvernementales internationales ont publiquement pris position en septembre 2013 pour souligner la nécessité d’une législation robuste, fondée sur les normes existantes en matière de diligence raisonnable, telles que définies par l’ONU et l’OCDE. Elles se disent aujourd’hui déçues et inquiètes face à la proposition de la Commission. « En se concentrant uniquement sur ces quatre minerais, l’UE échoue à répondre au fait que d’autres types de ressources naturelles alimentent aussi certains conflits », déclare Astrid Schrama de Pax. La proposition concerne les entreprises actives dans les secteurs de l’étain, du tantale, du tungstène et de l’or. « Nos recherches ont démontré que l’extraction de charbon a financé la création de groupes armés paramilitaires en Colombie qui ont causé la mort de milliers de personnes et déplacé au moins 60.000 autres dans le département du Cesar. » Différents rapports indiquent aussi que les pierres précieuses ont contribué au financement des combats et de la violence au Zimbabwe, en Birmanie ainsi qu’en Colombie.
Chantal Daniels de Christian Aid déclare: « La Commission a manqué l’opportunité de proposer une législation qui aurait véritablement aidé des millions de personnes dans les pays ravagés par la guerre, où les ressources naturelles fournissent motivation et financement aux groupes armés. En outre, la proposition ne garantit pas aux consommateurs européens que les produits qu’ils achètent n’ont pas contribué à alimenter violences, instabilité et violations de droits humains. » Pour garantir que les ressources naturelles provenant des zones de conflit ou à haut risque n’entrent pas sur les marchés de l’UE, la législation devrait également s’appliquer aux fabricants et aux entreprises qui importent des produits finis. En effet, les métaux provenant de zones de conflit entrent quotidiennement dans l’UE sous la forme de produits manufacturés tels que des ordinateurs, des téléphones portables, des ampoules ou des voitures.
Une proposition laxiste
« Avec cette proposition, l’Union européenne (UE) envoie en somme le message qu’il est acceptable pour les entreprises de ne pas opter pour un comportement responsable« , explique Sophia Pickles de Global Witness. « Ce laxisme risque de saper le devoir des Etats de protéger les droits humains, reconnu par le droit international. De plus, cette proposition peut aussi s’avérer superflue puisque les gouvernements européens ont déjà approuvé un tel ensemble de principes volontaires de diligence raisonnable, tels que ceux développés par l’Organisation de coopération et développement économiques (OCDE). »
S’inspirer de l’exemple américain
Aux Etats-Unis, un texte de loi entré en vigueur en 2010, stipulant que les entreprises basées aux Etats-Unis doivent effectuer un contrôle des minerais provenant de la République démocratique du Congo et de ses pays frontaliers, a déjà apporté des changements dans la manière dont opèrent les entreprises. Sans une législation européenne stricte, exigeant des entreprises qu’elles exercent le devoir de diligence de façon transparente, la Commission européenne ne parviendra pas à amener les entreprises européennes à respecter les mêmes normes d’approvisionnement responsable que leurs concurrentes américaines.
L’Europe, un point de passage des minerais de conflit
« Il est absolument crucial que l’UE fasse respecter les standards internationaux qui existent déjà », défend Seema Joshi d’Amnesty International. « Une réglementation qui n’inclurait même pas une obligation de reporting pour les entreprises européennes, qui utilisent et échangent des ressources naturelles, échouera à empêcher l’Europe d’agir comme le point de passage du commerce de minerais de conflit. Une telle législation ne permettra pas non plus de garantir que les entreprises européennes ne causent ou ne contribuent pas à de sérieux cas de violations des droits humains, dans les cas où elles se fournissent dans ces zones à haut risque. »
Selon Michael Reckordt d’AK Rohstoffe: « Il semblerait ici que la Commission a plié face aux demandes du puissant lobby industriel d’affaiblir cette législation et d’en réduire la portée. »
Le Parlement européen et le Conseil de l’UE seront appelés à examiner cette proposition au cours de cette année. « Il est impératif que les parlementaires et les Etats membres renforcent alors cette législation afin qu’elle puisse remplir ses objectifs. Autrement, l’UE demeurera pour encore longtemps le carrefour de ce commerce néfaste », concluent les signataires de ce communiqué.
MVL/CP – photo: mine d’or au Ghana