L’imam Oumar Kobine Layama et l’archevêque Dieudonné Nzapalainga de Bangui en Centrafrique étaient de passage en Belgique. Interrogés par la RTBF, ils ont expliqué aux citoyens belges la situation de leur pays.
L’un est imam, l’autre archevêque. A deux, ils symbolisent la cohabitation pacifique entre deux croyances. Une cohabitation entre musulmans et chrétiens que la Centrafrique ne cesse de voir se détériorer depuis un an. Mgr Dieudonné Nzapalainga et Oumar Kobine Layama, le président de la Communauté islamique centrafricaine, luttent main dans la main sur tout le pays pour rétablir la paix qui y régnait autrefois.
Certes, le pays n’a pas été à l’écart de conflits internes mais ceux-ci avaient pour origine une question ethnique ou régionale. Comme l’affirme l’archevêque à la RTBF, « c’est l’ex-président François Bozizé qui a créé la tension religieuse en affirmant, lors de la formation de la coalition d’opposition des Seleka fin 2012, que c’étaient des ‘djihadistes’ et qu’il fallait former des milices pour s’en défendre. »
Un amalgame dangereux
A cette époque déjà, l’imam et l’archevêque s’entendaient pour prêcher la paix et le vivre ensemble à leurs communautés. Car les rumeurs sur les attaques chrétiennes commises par les Seleka n’ont pas tardé de fuser. Or les Seleka s’en prenaient tout autant à la population de confession musulmane. « L’amalgame venait du fait que les Seleka avaient, parmi eux, de nombreux mercenaires tchadiens et soudanais, qui ne parlaient pas les langues du pays mais l’arabe et qui se sont appuyés sur les musulmans arabophones de Centrafrique », a poursuivi Mgr Nzapalainga.
Après leur ascension au pouvoir, les Seleka sont allés recruter dans les prisons. La population était terrorisée. Cherchant à se défendre, les jeunes se sont engagés en masse dans les milices chrétiennes anti-balaka qui attaquaient des musulmans, parmi eux des innocents.
La Centrafrique, bientôt sous l’emprise du Tchad?
La situation est complexe, rappelle l’imam qui cite les connivences entre certains mercenaires tchadiens des Seleka et les officiers tchadiens de la Misca (contingent tchadien de la mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine). Les deux hommes ont rappelé l’intervention de l’armée tchadienne de 2003 pour amener au pouvoir le général Bozizé. « Beaucoup de Tchadiens ne sont jamais rentrés chez eux », et « leur président se débarrasse chez nous de certains de ses rebelles. Après, nous les voyons fraterniser avec les officiers du contingent tchadien de la Misca… », a évoqué l’imam. « Si l’on envoie le contingent tchadien de la Misca vers le nord-est, comme il a été annoncé (après des accusations de soutien à des Seleka arrêtés), ne vont-ils pas répandre là-bas l’esprit de division? Nos frontières seront-elles respectées? » s’interroge-t-il.
Le président de la Communauté islamique centrafricaine, l’imam Kobine, séjourne chez l’archevêque depuis le 5 décembre dernier, jour d’un terrible massacre de musulmans à Bangui. « Cela nous a beaucoup rapprochés et cela sert d’exemple, » a exprimé l’imam.
S.T. (avec la RTBF)
Photo: ouest-france.fr