Depuis le début de l’insurrection en mars 2013, la République centrafricaine compte 480.000 personnes déplacées. C’est ce qu’a déclaré dimanche à l’AFP un représentant de l’Unicef à Bangui, Souleymane Diabaté. Les églises et monastères ont pris l’allure de véritables camps de réfugiés.
Depuis la chute du président François Bozizé le 24 mars dernier, la crise humanitaire qui règne en Centrafrique s’est détériorée. "Il y a en tout 480.000 déplacés dans tout le pays", dont près de 50.000 à Bangui, a affirmé à l'AFP Souleymane Diabaté, un représentant de l’Unicef à Bangui. Les déplacements sont nombreux et concernent une majorité "d'enfants, de femmes et de personnes vulnérables qui manquent de tout. Des déplacements qui se sont accentués après les dernières attaques à Bangui et à Bossangoa", a-t-il ajouté.
Les violences de jeudi ont entraîné la mort de centaines de personnes dans plusieurs quartiers de la capitale. De nombreux civils musulmans ont perdu la vie durant l’offensive des milices armées, ce qui a entraîné des représailles sanglantes de la part des ex-rebelles Séléka.
"Ces violences ont endeuillé plusieurs ménages: un nombre élevé de la population civile figure parmi les victimes. Des chiffres sont avancés: 85, 105, 130, voire plus. Une chose est sûre: l’on n’a pas fini de découvrir et de compter les morts", a écrit jeudi dans un communiqué l’abbé Dieu-Béni Mbanga, Chancelier de l’Archidiocèse de Bangui. "On apprend que des représailles menées par la séléka contre la population non-musulmane sont en cours dans la quasi-totalité des quartiers de la capitale et que les anti-balaka (anti-machettes), sont encore dans Bangui et ses environs."
Un amalgame dangereux et violent
Ces rebelles sont haïs des habitants, qui les voient le plus souvent comme des "occupants" venus du Tchad et du Soudan voisins. Majoritairement musulmans, ils sont les seuls à évoluer en armes dans la capitale, face aux milices villageoises et chrétiennes "anti-balaka", présentes en brousse ou infiltrées dans les quartiers. En effet, beaucoup de Centrafricains, principalement des chrétiens, sont investis d’un sentiment de vengeance à l’égard des rebelles Sélékas. Cette haine s’est progressivement étendue envers les populations civiles musulmanes.
L’archevêque de Bangui, Mgr Dieudonné Nzapalainga, parcourt la ville depuis le début du conflit pour rencontrer les réfugiés et les inciter à ne pas user de la violence en réponse aux attaques. Âgé de 46 ans et originaire d’un village où chrétiens et musulmans cohabitent pacifiquement depuis des années, il a mis en garde contre l’amalgame en rappelant que "tous les chrétiens ne sont pas des anti-balaka (miliciens chrétiens) et tous les musulmans ne sont pas des Séléka."
Ces lieux de culte qui deviennent camps de réfugiés
Le conflit centrafricain a forcé la population à se déplacer. Les églises se sont rapidement transformées en lieu d’accueil pour les déplacés. Ils sont environ 2000 à avoir trouvé refuge dans la paroisse Saint-Paul de Bangui. Le monastère Marie Mère du Verbe de la Communauté des Béatitudes a également été pris d’assaut. Installée depuis 28 ans à Bangui, la Communauté des Béatitudes a accueilli en son monastère jusqu’à 15000 réfugiés.
"Au monastère, chacun essaie d’aider comme il peut. Frère Balthasar reste au dispensaire, quatre personnes blessées par balle sont venues pour se faire soigner mais il n’y a plus de compresses. Pratiquement pas de médicaments. Ils sont décédés sur place", a écrit Sœur Marie de la Visitation, de la communauté des Béatitudes sur le site de la revue Les Cahiers Libres.
Le monastère manque cruellement d’eau, de nourriture et de médicaments. Il manque d’espace et d’organisation, de possibilités de déplacements, etc. Dimanche 8 décembre, l’archevêque de Bangui s’est présenté personnellement au monastère. En apportant de la nourriture, Mgr Dieudonné Nzapalainga, a redonné aux réfugiés un certaine lueur d’espoir.
L’Eglise catholique de Centrafrique a réagi en lançant un appel à un cessez-le-feu immédiat pour que les secours humanitaires puissent circuler.
S.T (avec AFP/La Libre/les Cahiers Libres)
Photo: lescahierslibres.fr