« Henri », le dernier film de Yolande Moreau, sorti ce mercredi, raconte l’histoire d’un quinquagénaire qui retrouve goût à la vie au contact d’une jeune handicapée mentale. Apreté et poésie sont au rendez-vous de cette œuvre qui s’interroge sur les limites entre la marginalité et la normalité.
Henri est le patron italien d’un petit restaurant près de Charleroi, « La Cantina », qu’il tient avec sa femme Rita. Une fois les clients partis, il aime retrouver ses copains, Bibi et René, des piliers de comptoirs avec qui ils tuent le temps devant quelques bières en partageant leur passion commune, les pigeons voyageurs.
Mais Rita meurt subitement, laissant Henri désemparé. Leur fille Laetitia propose alors à son père de se faire aider au restaurant par un « papillon blanc », comme on les appelle dans le bourg, à savoir un des résidents du foyer d’handicapés mentaux proche de « La Cantina ». Rosette est de ceux-là. Elle est joyeuse, bienveillante et ne voit pas le mal. Son handicap est léger, elle est simplement un peu « décalée » et rêve de normalité. Avec l’arrivée de Rosette, une nouvelle vie s’organise, et une complicité finit par se nouer entre elle et Henri au fil des jours.
Sensibilité et purs moments de cinéma
Si le film traite, en les déjouant, des a priori concernant les handicapés mentaux, il est davantage axé sur l’incommunicabilité, sur la souffrance qui en résulte. « Les personnages sont dans une expressivité de leur souffrance qui va à l’inverse de nos codes sociaux. J’ai du coup voulu faire un film sur cette ressemblance entre deux personnages et non sur la différence », explique la réalisatrice.
Côté critique, la presse a plutôt réservé un bel accueil à cette œuvre poétique et âpre. Dans « La Libre Belgique », Alain Lorfèvre souligne que la réalisatrice ne confond pas sensibilité avec sensiblerie. « Le malheur est conté de sa voix douce. L’amour s’y révèle avec pudeur et délicatesse, scruté d’un regard pétillant, le (petit) sourire en coin. La soûlographie endeuillée d’Henri et de ses potes Bibi et René prend aux tripes. Leur visite au foyer où réside Candy est un moment de pur cinéma. »
Pour Fabienne Bradfer (« Le Soir »), ce film est une fable . « Yolande Moreau a placé sa caméra côté cœur et bleus à l’âme pour parler liberté et tolérance. Car son film est une invitation à mieux regarder, à mieux écouter l’autre. »
Le quotidien français « La Croix » se montre tout aussi enthousiaste pour ce film qui sonde avec finesse les frontières de la norme. « Yolande Moreau montre avec subtilité le touchant éveil de Rosette et saisit au passage de purs moments de grâce: l’envol de centaines de pigeons voyageurs, les jeux avec les voilages d’un appartement de bord de mer dans lesquels s’engouffre le vent. »
P.G.
« Henri », de Yolande Moreau, avec Pippo Delbono, Candy Ming, Yolande Moreau, Lio, Jackie Berroyer, Simon André – 1h47