Cette année, notre pays a battu un bien triste record: celui du nombre de déclarations d’euthanasie anticipée. Comment expliquer cette évolution ?
Depuis le 1er septembre 2008, tout citoyen peut effectivement se rendre à la commune ou à l’Association du droit pour mourir dans la dignité pour y faire enregistrer une déclaration anticipée en matière d’euthanasie, au cas où ils se trouveraient un jour dans un état d’inconscience irréversible et ne serait plus en l’état de la demander. Cette demande doit être renouvelée tous les cinq ans.
Entre le 1er janvier 2013 et la mi-octobre, 15.279 déclarations anticipées de volonté d’euthanasie ont été enregistrées. Ce nombre dépasse déjà le record de l’année 2012, qui était d’un peu plus de 12.000. Une augmentation que l'on pourrait attribuer au renouvellement de cette déclaration. Mais si les premières déclarations enregistrées datent effectivement de 2008, elles ne peuvent être reconduites que depuis septembre de cette année. Or, on ne compte à ce jour que 796 demandes de renouvellement. Elles ne constituent donc qu'une part infime des déclarations de 2013.
Une meilleure information
En réalité, cette hausse des demandes faites à l'avance doit plutôt être attribuée à une évolution des mentalités. D'après Myriam Leleu, sociologue à la haute école de Louvain en Hainaut, interrogée dans "Le Soir", "les gens sont de plus en plus informés de cette possibilité et osent plus faire la demande qu'il y a cinq ans". L'Association du droit pour mourir dans la dignité, il existe deux types de "déclareurs anticipés". D'un côté, des personnes qui apprennent qu'elles souffrent d'une maladie grave. De l'autre, des gens, parfois très jeunes, en parfaite santé, issu d'un milieu bourgeois intellectuel qui, ayant vécu la longue agonie d'un proche, veulent épargner ce sort à leur entourage.
Une banalisation de l'euthanasie
L'Eglise catholique regrette évidemment cette évolution. Interrogé par "Le Soir", le père Tommy Scholtes, responsable de presse et de communication de la Conférence épiscopale de Belgique, rappelle en effet qu'en agissant de la sorte, "on en arrive à contraindre d'autres à pratiquer l'euthanasie dans certaines conditions". "C'est pour cela", poursuit-il, "que nous estimons que l'euthanasie menace le lien social." Le jésuite dénonce donc "une banalisation qui s'assimile à une assistance au suicide".
On ne peut maîtriser sa vie jusqu'au bout
De son côté, le professeur Michel Dupuis (UCL), vice-président du Comité consultatif de bioéthique de Belgique, voit dans cette augmentation du nombre de déclarations anticipées, une certaine "conscientisation intellectuelle des limites des interventions thérapeutiques" et un désir de finir sa vie dans la dignité. Il nuance toutefois son point de vue en rappelant que, si l'avenir, ça se construit, ça se reçoit aussi, avec des bonnes et moins bonnes surprises. Le philosophe rappelle donc à quel point il serait illusoire de penser qu'on peut totalement maîtriser sa vie jusqu'au bout.
De toute façon, ils sont assez nombreux à changer d'avis à l'approche de la mort et à demander qu'on fasse tout ce qui est possible pour les sauver. Pour preuve, seuls 2% des euthanasies réellement pratiquées se font dans le cadre d'une déclaration anticipée.
P. A. (avec La Libre Belgique et Le Soir)