Alors que le président américain Barack Obama effectue un voyage de trois jours en Europe afin de convaincre davantage de partenaires étrangers de l’urgence de frapper le régime syrien, le pape François est, lui aussi, passé à l’offensive, mais avec un tout autre objectif: privilégier le dialogue et la concertation à la violence.
Depuis le début de son pontificat, c’est la première fois que le pape François s’implique avec autant d’énergie et de conviction sur le terrain diplomatique. Il est vrai que l’onde de choc syrienne a déjà transpercé le territoire et risque d’autres pays de la région dans son sillage. Berceau des trois grandes religions monothéistes, le Proche-Orient est effectivement une poudrière qui peut exploser à tout moment. Modifiez un élément et c’est toute la région qui menace de s’embraser. D’où la réticence des pays occidentaux à s’engager militairement en Syrie.
Prier et jeûner pour la paix
Le problème, c’est que le président américain semble bien décidé à frapper le régime de Bachar al-Assad. Même si l’issue des votes, la semaine prochaine, dans les deux chambres du Congrès reste incertaine, Barack Obama a engrangé, le 3 septembre dernier, le soutien clé de son principal adversaire politique, le président républicain de la Chambre des représentants, John Boehner. Craignant que la situation ne dégénère et ne fasse davantage de victimes innocentes, le pape François a donc décidé de passer à l’action, en invitant toutes les femmes et tous les hommes de bonne volonté à prier et à jeûner pour la paix en Syrie, ce samedi 7 septembre. Lui-même participera ce jour-là à une veillée de prière qui se tiendra place Saint-Pierre, à Rome, de 19h à 23h. Les moments forts, a expliqué le père Lombardi, directeur de la Salle de presse du Saint-Siège, seront la récitation du chapelet, l’exposition du Saint-Sacrement, un temps d’adoration, une méditation du pape et sa bénédiction.
Afin d’informer le corps diplomatique sur le sens de cette initiative, la Secrétairerie d’Etat du Vatican a invité les ambassadeurs accrédités près le Saint-Siège à une conférence qui se tiendra ce jeudi 5 septembre. En outre, le Conseil pontifical pour l’unité des chrétiens a écrits aux autres Eglises et le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux a pris contact avec les représentants des autres religions, dans le but de rallier un maximum de personnes à cette initiative.
Le soutien du Grand mufti de Syrie
Opération réussie, puisque l’appel du pape à jeûner et à prier contre toute solution armée en Syrie a déjà recueilli des adhésions bien au-delà de l’Eglise catholique. Même s’il y a peu de chance qu’il puisse se rendre en Italie, Ahmad Badreddin Hassoun, Grand mufti de Syrie et chef spirituel de l’islam sunnite dans le pays, a exprimé le souhait d’être présent place Saint-Pierre, samedi 7 septembre, aux côtés du pape. Dans le cas où son voyage ne s’avérerait pas possible, il a même invité les membres de sa communauté à prier dans les mosquées du pays en même temps que se tiendra la veillée de prière au Vatican. « Tous perçoivent que le pape est un père qui a à cœur l’avenir du peuple syrien dans son ensemble et veut protéger la société de ce pays, dans toutes ses diverses composantes, afin qu’elle ne soit pas détruite par des divisions religieuses et par le radicalisme« , a-t-il déclaré.
Une autre adhésion insolite a été enregistrée: celle de la ministre italienne des Affaires étrangè-res, Emma Bonino, une athée convaincue membre du Parti radical connu pour d’âpres luttes dans les années 70 pour le divorce et l’avortement, qui s’est dite prête à jeûner aussi pour la paix. « La non-violence est dans mon ADN, et je ne me défile jamais devant une initiative non violente« , a-t-elle expliqué, alors que l’Italie s’est positionnée contre une intervention militaire en Syrie.
La mission du cardinal Tauran
A la journée de jeûne et de prière et à la veillée sur la place Saint-Pierre, il faut encore ajouter la mission en Jordanie du cardinal français Jean-Louis Tauran, président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux. D’importants mouvements catholiques comme les Focolari et la communauté Sant’Egidio – très engagés dans les négociations discrètes de paix sur divers continents – pourraient également entrer en scène dans les prochains jours.
Pascal ANDRÉ