Peux savent que la Vierge a un rôle important dans le Coran et que des femmes musulmanes sont couramment signalées dans des lieux mariaux où elles se confient à Marie, la vierge-mère d’Issa.
Tout comme la dévotion populaire précède par moments la théologie, elle pourrait également ouvrir des pistes au dialogue inter-religieux. Les musulmans connaissent et respectent profondément la Vierge Marie – Marie ou Maryam, la mère d’Issa, d’après le coran – pourquoi donc ne pas associer la population musulmane aux festivités pour l’année jubilaire de la tradition mariale d’Hanswijk à Malines ? Tel est le défi du nouvel évêque auxiliaire du vicariat de Malines-Bruxelles pour le Brabant flamand, Mgr Léon Lemmens : « N’est-ce-pas une responsabilité commune de créer l’image d’un vivre ensemble en paix des différentes âmes authentiques dans nos villes ? »
Respect des croyances
C’est en tous cas ainsi que l’avait compris Mohamed Amine Smaili, professeur en dogme musulman et religions comparées de l’université de Rabat au Maroc que Kerkwerk Multicultureel Samenleven (l’organisation qui se préoccupe du dialogue interconfessionnel pour les diocèses flamands) et l’évêque auxiliaire avaient invités fin mai pour une soirée d’échanges entre catholiques et musulmans. « Avec cet événement », a-t-il confié, « les catholiques nous disent clairement : ‘Non, vous n’êtes pas dans le mépris !’ J’ai eu le même sentiment quand j’ai été reçu par Benoît XVI et qu’il m’a dit : ‘Venez souvent, je respecte beaucoup votre culture, je prie pour vous et pour votre peuple.’ »
En effet, l’ignorance de l’autre et les idées qui circulent fréquemment dans les médias préoccupent la hiérarchie catholique. « Le respect pour les autres croyances devrait être inscrit dans les chromosomes de chaque chrétien », a affirmé Mgr Lemmens. La soirée sur Marie n’était d’ailleurs qu’un premier pas…
En novembre, les présidents des mosquées marocaines flamandes et une délégation de chaque diocèse de Flandre partiront pour quatre jours « à la découverte de la vie religieuse au Maroc et pour créer, par davantage de liens personnels, une dynamique de vivre ensemble. Même le grand rabbin de Bruxelles, Albert Guigui, sera peut-être parmi nous », a indiqué l’évêque.
Mieux connaître le christianisme
Pour en revenir à la vierge inspiratrice de cette première soirée conjointe, une sourate du Coran porte son nom et une autre sourate (Al-Imran 45) dit d’elle : « Ô Marie, voilà qu’Allah t’annonce une parole de Sa part : son nom sera Al-Massih Issa, fils de Marie, illustre ici-bas comme dans l’au-delà et l’un des rapprochés d’Allah ». La position d’Issa n’est bien évidemment pas la même pour les musulmans que celle de Jésus fils de Dieu pour les chrétiens. « Mais nous avons besoin de mieux connaitre le christianisme », a affirmé le professeur Smaili, « pour voir davantage nos ressemblances : aucun chrétien ne croit que Marie est la femme de Dieu, ni pense à un père de famille quand il parle du Père, … ».
Certes, nous ne sommes pas encore au stade d’une réelle mutuelle compréhension de nos mystères dogmatiques. L’exposé du savant marocain sur le travail marial de Mohammed Jean Abdeljalil, un musulman marocain devenu franciscain entre les deux guerres, était original et profond mais sans doutes bien trop compliqué et mystique pour la plupart des auditeurs. « La religiosité populaire n’attend pas les discours savants », disait Luc Van Hilst, l’ancien secrétaire du cardinal Danneels devenu recteur du centre marial du Montaigu. « A Fatima par exemple, les effigies portent l’image de la Vierge de l’un et la main de Fatma de l’autre côté. La vierge obéissante à la parole divine est source d’inspiration pour chaque croyant, qu’il soit chrétien ou musulman. »
Benoit Lannoo