Le premier rapport de l'Observatoire des religions et de la laïcité (ORELA) de l'Université libre de Bruxelles vient d'être publié. Il met notamment en avant une méconnaissance grandissante du catholicisme et des valeurs qui le constituent.
Sur près de 100 pages, ce rapport propose une synthèse ainsi qu'une analyse de l'actualité religieuse belge pour l'année 2012. Les informations recueillies ici par l'ORELA renvoient aussi bien à la littérature scientifique qu'aux actualités relayées par la presse écrite, avec le risque de "focalisation médiatique", inhérent l'utilisation de ces dernière sources. Les affaires de pédophilie au sein de l'Eglise catholique ou les tendances à la radicalisation islamiste en sont des exemples flagrants, et le rapport le reconnait d'ailleurs en préambule. Mais les auteurs disent "avoir pris soin de garantir la mise en contexte des faits abordés en les situant d'un point de vue historique et sociologique".
Cette longue étude aborde donc le domaine des rapports entre religion et société comme celui des relations entre l'Etat et les cultes. Pour ce qui est des éléments scientifiques, il s'appuie largement sur l'enquête menée par Liliane Voyé et Karel Dobbelaere, sociologues et professeurs émérites de l'UCL. Il rappelle donc qu'en Belgique, la proportion de catholiques reste majoritaire mais a fortement diminué (50% en 2009 contre 72% en 1982), "sous la double influence de la sécularisation - surtout - et dans une moindre mesure de l'immigration".
Perte d'influence
Tandis que les personnes sans religion et les athées progressent et représentent 42% de la population. Il remet aussi en avant le fait que près de sept Belges sur dix ne se rendaient à l'église que très exceptionnellement ou jamais. Et qu'un peu plus d'un nouveau-né sur deux est baptisé (54,6%). Du point de vue des chiffres, ce rapport ne nous apprend donc pas grand-chose. Dommage ! D'autant plus que les résultats de cette enquête, publiés en 2012 dans "Autre temps, autres mœurs" (ed. Racine-Campus), sont basés sur des interviews réalisées en 2009, donc avant que n'éclate le scandale provoqué par la démission de l'ex-évêque de Bruges.
Comment les choses ont évolué depuis ? L'ORELA n'a pas recueilli de chiffres pour en parler mais dans son analyse, le rapport souligne combien la société belge méconnait de plus en plus le catholicisme et ses valeurs alors que ces dernières sont vues comme nécessaires. Cela s'est particulièrement ressenti avec la libération conditionnelle de Michelle Martin et son accueil par les sœurs clarisses.
Le rapport évoque aussi la perte d'influence de l'Eglise catholique sur d'autres sujets sensibles tels que l'IVG, (mais sur cette question, il estime que l'on assiste à un phénomène de recomposition idéologique) ou l'euthanasie. Et s'il parle d'initiatives témoignant d'un certain dynamisme dans l'Eglise, c'est pour mettre sur un même plan le forum Rivespérance, qui eut lieu à Namur en novembre 2012, et le retour de la messe en latin à Malmédy...
Comme on pouvait s'y attendre vu l'actualité récente, l'Eglise catholique n'est pas vraiment à la fête dans ce document qui ne manque cependant pas d'intérêt mais n'est pas exempt "de faute d'étourderie" (Mgr Léonard renseigné comme évêque de Liège p. 8).
Mobilisation des Eglises du Réveil
Par ailleurs, l'ORELA note qu'après l'Afrique, l'Amérique du Nord et le Brésil, les Eglises du Réveil protestant commencent à mobiliser les citoyens, particulièrement ceux d'origine étrangère, à Bruxelles. "Ces Eglises dites 'ethniques' ont lancé un vaste mouvement d'évangélisation à l'envers qui fait de leurs fidèles les plus actifs des missionnaires en terre européenne, un continent qu'il s'agit pour elles de rechristianiser. Cette dynamique religieuse chrétienne s'incarne dans une mission: face à un occident considéré comme souffrant d'un vide spirituel, il s'agit en effet d'opérer une mission de conversion en retour", souligne l'Observatoire.
Quant à l'islam, le rapport estime qu'il est toujours abordé, dans les médias, "sous un angle très spécifique, pour ne pas dire réducteur". Les événements qui mêlent l'islam à l'actualité "servent de point de départ à un débat récurrent sur l'intégration des musulmans dans la société belge, sur les formes prises par l'islam en Belgique et sur la compatibilité de ce culte avec la laïcité 'à la belge', notion particulièrement complexe", note l'ORELA.
Pierre GRANIER