Face à la menace de confiscations imminentes de terrains chrétiens par l’État d’Israël dans la vallée de Crémisan, à proximité de Bethléem, Mgr William Shomali, évêque auxiliaire de Jérusalem, souligne l’utilité de la pression diplomatique sur Israël.
Mgr Shomali pense que tout soutien de la part de gouvernements étrangers et d’Églises afin de résoudre cette affaire actuellement examinée par les tribunaux constituerait un pas de plus vers la paix et l’ordre public. L’évêque catholique romain responsable des territoires palestiniens dans le Patriarcat latin avait accordé lundi un entretien à l’œuvre internationale de bienfaisance catholique « L’Aide à l’Église en détresse ».
En octobre 2012, l’Assemblée des Ordinaires catholiques de Terre Sainte (AOCTS) a pris position pour la première fois en appelant Israël à cesser la construction de la barrière de séparation dans la vallée de Crémisan qui, aux yeux de l’AOCTS, est parfaitement illégale. L’Assemblée a exprimé en outre la crainte que le mur prévu accélérerait encore l’émigration chrétienne hors de Terre Sainte. Les prélats ont fermement nié l’affirmation des autorités israéliennes selon laquelle le Saint Siège et l’Église locale auraient négocié avec Israël un accord implicite ou explicite au sujet de la construction de cette barrière. C’est ce qu’avait prétendu dans un message du 16 octobre l’organisation non-gouvernementale « The Israël Project ». Selon elle, le Saint Siège aurait affirmé être d’accord avec le projet d’un mur de séparation partiellement édifié sur des terres appartenant à l’Église.
Le tracé de cette barrière de séparation longue de plus de 750 kilomètres qui, selon Israël, servirait à lutter contre l’intrusion de terroristes, en construction depuis 2003, se situe à environ 80 pour cent de l’autre côté de la Ligne verte, une ligne de démarcation datant de l’armistice de 1949 et délimitant selon la conception juridique internationale la frontière nationale de l’État d’Israël avec la Cisjordanie occupée en 1967. C’est pourquoi la Cour internationale de justice de La Haye avait déclaré la construction de ce mur comme illégale sur le plan du droit international dans un avis réalisé en 2004. Pour Mgr Shomali, « Si Israël construisait ce mur de séparation sur le tracé de la frontière en vigueur avant l’occupation de la Cisjordanie, cela ne poserait pas de problème. Israël serait dans son droit et personne ne pourrait s’y opposer. Ici, le problème survient parce que le tronçon du mur près de Crémisan passe sur les terres palestiniennes, de l’autre côté de cette frontière. »
En dehors de cette violation du droit international, l’évêque croit par ailleurs qu’il serait possible de trouver un tracé du mur exigeant moins d’expropriation de terres. La confiscation prévue concernerait 58 familles du village de Beit Jala, près de Bethléem, habité à plus de 80 pour cent par des chrétiens. Ces familles perdraient leurs terres plantées d’oliviers et de vergers. Mais la subsistance de nombreuses familles dépendrait justement de la culture de ces terres. En 2006, elles ont déposé plainte contre les plans israéliens devant la cour de justice compétente de Tel Aviv. En 2010, une congrégation de sœurs salésiennes, qui entretient depuis 1960 un établissement scolaire sur les terres concernées, s’est jointe à cette plainte. Actuellement, environ 450 élèves musulmans et chrétiens fréquentent cette école. Le couvent de la congrégation serait également coupé de certaines parties de ses terres si le mur était édifié comme prévu. Par ailleurs, la séparation doit être construite directement autour du couvent et de l’école, ce qui ôterait aux religieuses toute possibilité d’agrandir leur établissement scolaire alors qu’elles disposeraient déjà d’une autorisation officielle pour cela. Les salésiens, dont le monastère est situé non loin du couvent des religieuses, seraient également affectés par ce mur. Début 2012, ils ont déposé une demande de se joindre à la plainte, demande au sujet de laquelle il n’a pas encore été statué.
La décision du tribunal israélien est attendue après février 2013, lorsque les dernières prises de position des parties adverses auront été remises. Mgr Shomali continue : « Nous voulons que soit prise une décision conforme à la justice et pas une décision voulant complaire à l’Église. » Il continue de croire que les tribunaux prononceront un jugement équitable puisque les magistrats israéliens seraient indépendants de la politique. Comme il ne serait toutefois pas possible d’exclure que les terrains des familles chrétiennes soient confisqués, ce qui reviendrait de fait à une expropriation, même si ce n’en était pas une sur le plan juridique, l’évêque exprime ses craintes quant aux conséquences matérielles d’une telle mesure pour ces familles : « Conjointement à l’organisation Caritas et d’autres institutions caritatives, il nous faudra alors réfléchir à ce que nous pourrons faire. Mais je crains que nos moyens soient insuffisants. »
AED – Photo: Oliver Maksan – ACN-News