Selon les dernières estimations, le taux de participation au référendum sur la destitution du président de la Roumanie ayant été de 46,13%, d’après les résultats officiels annoncés ce lundi 30 juillet, la destitution de Traian Basescu, souhaitée par le premier ministre roumain n’aura pas lieu. Reste à voir ce qui se passera dans les prochaines semaines, qui promettent une cohabitation houleuse entre d’un côté le président et de l’autre le parlement et le gouvernement.
Ce dimanche 29 juillet, les Roumains étaient appelés à se prononcer sur la destitution de leur président, Traian Basescu dans le cadre d’un référendum populaire. Finalement, la destitution souhaitée par le parlement et le premier ministre social-démocrate Victor Ponta n’aura pas lieu dans la mesure où, selon la loi, la participation à ce référendum devait dépasser les 50% des inscrits pour que son résultat soit validé par la Cour constitutionnelle. Avec un taux de participation de 46% – sur 97% des bureaux dépouillés, ce référendum est donc non valide.
Une maigre victoire pour le président roumain, qui avait appelé ses partisans à ne pas se rendre aux urnes, dans l’espoir – aujourd’hui devenu réalité – que le taux de participation n’atteigne pas 50%. Toutefois, parmi les votants, une écrasante majorité s’est exprimée en faveur de la destitution de Traian Basescu (87,55%) alors que ceux qui se sont prononcés contre celle-ci n’ont été que 11,12%, selon des résultats officiels partiels donnés par le Bureau central électoral.
« Plus aucune légitimité »
Après la clôture des bureaux de vote, Traian Basescu a déclaré vouloir générer un sentiment de «réconciliation» au sein de la société roumaine et affirmé qu’il comprenait la «colère» des millions de Roumains qui ont voté pour son départ. Le président, pourtant réélu triomphalement en 2009, a concentré sur sa personne les problèmes nés de la crise économique. Traian Basescu, qui a déjà survécu à un référendum de destitution en 2007, a vu sa cote de popularité s’effondrer après une cure d’austérité draconienne décidée en 2010. Il s’en est suivi un bras de fer entre le chef de l’Etat, de centre-droit, et la majorité parlementaire de centre-gauche issue du scrutin de 2011 et emmenée par le premier ministre social-démocrate Victor Ponta. Ce dernier a reconnu implicitement l’échec de la tentative de destitution de son rival et s’est dit déterminé «à protéger les Roumains» à l’avenir, estimant que malgré le résultat, le président « n’a plus aucune légitimité ».
L’Union européenne, qui avait fustigé mi-juillet les méthodes peu orthodoxes employées par l’USL pour faciliter la destitution du président, a demandé à Bucarest de se conformer à toutes les décisions de la Cour constitutionnelle.
Selon un analyste politique roumain, le bras de fer entre les deux hommes est né aussi de la volonté du gouvernement roumain de mettre la main sur tous les leviers de pouvoirs, notamment la justice qui devient de plus en plus indépendante. Le 20 juin dernier en effet, la Haute Cour de justice a en effet envoyé derrière les barreaux l’ancien premier ministre pour deux ans. Un tournant dans la lutte contre la corruption et un signal fort vers les nombreux parlementaires impliqués dans des affaires de détournements de fonds.
Pressions de l’Union européenne
Rappelons que quelques semaines après son ascension au pouvoir en mai dernier, l’alliance des sociaux-démocrates et des libéraux (USL) a déclenché une guerre sans merci contre le chef de l’État. Dans un coup de force sans précédent, gouvernement et parlement ont réussi en quelques semaines à prendre le contrôle des institutions clés du pays. De même, par la prise d’ordonnances d’urgence -une procédure permettant de modifier une loi sans passer par le débat parlementaire – l’exécutif a réduit les pouvoirs de la cour constitutionnelle et changé la seule institution habilitée à contester les décrets du gouvernement. Le 6 juillet 2012, le parlement roumain a voté la suspension du président comme le prévoit la Constitution. Mais, la modification des règles du référendum pour faciliter la destitution a fait grand bruit et attiré l’attention de l’Union européenne qui a durement critiqué ce qu’elle a considéré comme « une atteinte à l’État de droit ».
Bref, la Roumanie fait face à l’une des plus graves crises politiques depuis la chute du dictateur Nicolae Ceausescu en 1989, ce qui ne manque pas d’inquiéter les partenaires européens et les institutions communautaires. Depuis des mois, la Commission européenne n’a cessé de dénoncer les dérives du gouvernement roumain et sommé Bucarest de renoncer à des décisions politiques jugées contraires aux principes européens. Jusqu’ici, jamais la Commission européenne n’avait été si critique avec les choix politiques d’un État membre de l’Union européenne. C’est à la suite des pressions exercées par Bruxelles que le gouvernement de Victor Ponta avait décidé d’organiser un référendum.
Tout n’est pourtant pas réglé. Comment se passera cette cohabitation, si cohabitation il y a effectivement ? Il est peu probable que le premier ministre et le chef de l’État s’entendent. Comment évoluera la jeune démocratie roumaine, au sein de laquelle les vieux démons du totalitarisme semblent ressurgir ? Et quid des relations avec les partenaires européens ? Autant de questions, actuellement sans réponse, mais qui seront scrutées par l’Union européenne.
JJD