La cathédrale est un édifice important dans la vie d’un diocèse: siège de l’évêque, elle est l’église mère du peuple chrétien qui lui est confié. Patrimoine majeur de la ville, la cathédrale de Liège est un fleuron d’art gothique, et si sa construction s’est étalée dans le temps, l’édifice est remarquable par son harmonie et sa qualité architecturales, sans parler de la notoriété de son Trésor. Aujourd’hui, la cathédrale Saint-Paul vient de vivre un relooking intérieur des plus surprenants.
La majesté et l’omniprésence de l’ensemble mobilier polarisent de manière évidente le regard du visiteur qui entre dans la cathédrale. Elles oblitèrent malheureusement ce qui doit être le cœur de l’église, l’espace liturgique de la célébration eucharistique. À l’invitation de l’évêque, le chapitre cathédral a donc lancé l’étude d’un nouvel aménagement de cet espace. Et plusieurs impératifs s’imposaient.
Un lieu à habiter
L’aménagement se devait de respecter les pôles liturgiques d’un chœur de cathédrale. L’autel est la première référence: table du repas sacramentel de la dernière Cène, mais aussi mémorial du don unique de celui qui offrit sa vie et sa mort « pour la multitude ».
L’ambon des lectures, lieu de la Parole, et la cathèdre de l’évêque, lieu de présidence de l’assemblée, représentent les deux autres axes.
L’aménagement à concevoir devait donc être un véritable « outil » de célébration, exemplaire pour une église de référence. Le défi était de créer un pôle que l’architecture n’imposait en rien.
Enfin, le projet devait résolument oser une création contemporaine: chaque époque a réaménagé le lieu de la prière de l’Église et a inscrit la marque de sa sensibilité. Le réaménagement devait être l’empreinte d’une Église vivante du début du XXIe siècle.
Des œuvres fortes
Fonctionnalité liturgique, charge symbolique, esthétique contemporaine constituaient donc les directives de la recherche demandée. D’emblée, le choix s’est porté sur une architecte d’intérieur brabançonne, Florence Cosse. Son père, Jean, a été l’initiateur et le promoteur, avec le Père Frédéric Debuyst, du concept « église-maison » qui marquera l’architecture religieuse du XXe siècle.
Le parti pris pour le mobilier liégeois est, nul n’en disconviendra, osé et novateur. Pour imposer le lieu liturgique dans l’environnement vertical néogothique, le pari a été mis sur la couleur inattendue, des reflets bleutés, changeant selon le point de vue ou l’heure, sur fond d’or. Pour marquer la fonction sacrale, le choix a été fait de ne pas rechercher une fausse monumentalité, par ailleurs sans doute impossible au regard de l’omniprésence des stalles et de l’autel axial: le matériau retenu et son traitement instituent l’autel comme un bijou taillé; inséré dans les autres pièces du mobilier, il unifie l’ensemble de l’aménagement.
Oser délibérément, mais prudemment s’aventurer sur des pistes encore malheureusement inhabituelles en « art d’Église » est un réel parti-pris: l’art sacré ne peut rester patrimonial et passéiste. Le principe de l’incarnation est fondateur de l’identité chrétienne, en art aussi. Il ne s’agit pas seulement de « faire moderne », il s’agit d’une cohérence symbolique existentielle: toute expression chrétienne se doit d’être « actuelle ».
L’évêque et le chapitre cathédral ont osé donner corps à cette cohérence. L’Église qui est à Liège, en son lieu de rassemblement le plus représentatif, peut se prévaloir de sa volonté pastorale d’être une assemblée croyante dans le cœur battant d’une ville qu’on dit ardente.
Michel TEHEUX, Conseiller du projet