L’interrogatoire formel par le juge d’instruction du majordome de Benoît XVI, soupçonné d’être impliqué dans l’affaire dite des ‘Vatileaks’, a commencé dans la matinée du 5 juin 2012, a indiqué le directeur du Bureau de presse du Saint-Siège. Paolo Gabriele a été arrêté, le 23 mai dernier, en possession de documents confidentiels provenant de la correspondance privée du pape. Il risque entre 1 et 6 ans de prison.
« Ce matin a commencé l’interrogatoire formel », a simplement déclaré à la presse le Père Federico Lombardi. Il a été mené par le juge d’instruction Piero Antonio Bonnet, en présence du Promoteur de justice du Vatican (procureur) Nicola Picardi, et des deux avocats choisis par le prévenu.
Dans le même temps, la Gendarmerie vaticane poursuit son enquête afin de trouver d’éventuels complices. Chez lui auraient été trouvés de très nombreux documents confidentiels émanant de l’« Appartamento », le bureau du pape, ainsi que des listes de destinataires. Parmi eux, pourrait figurer le journaliste Gianluigi Nuzzi, auteur du livre « Les papiers secrets du Vatican ». Le majordome est donc soupçonné du « vol aggravé » de la correspondance privée du pape, ce qui peut lui valoir une peine de 1 à 6 ans de prison dans le système carcéral italien en vertu des Accords du Latran de 1929. Ces Accords entre Pie XI et Benito Mussolini, ont stabilisé l’existence juridique de l’État de la Cité du Vatican, sur une législation civile et pénale inspirée de son homologue italienne. En l’espèce, le droit canonique n’entre pas en jeu.
Détenu depuis 14 jours, Paolo Gabriele occupe l’une des quatre « chambres de sécurité » du siège de la Gendarmerie vaticane, au rez-de-chaussée du Palais du Tribunal près de la basilique Saint-Pierre. Interrogé dans le cadre de l’enquête préliminaire, menée par Nicola Piccardi, laïc comme tous les juges du Vatican et assisté de ses deux avocats Carlo Fusco et Cristina Arru, il aurait accepté de collaborer pleinement avec les enquêteurs.
La phase formelle a débuté
Mardi 5 juin, la phase « formelle » des interrogatoires a donc débuté, désormais conduite par le juge Pier Antonio Bonnet. À ce stade, la détention préventive, qui peut s’effectuer en résidence surveillée, peut durer 50 jours, reconductibles une fois.
À son issue, le juge devra décider du renvoi au tribunal, dont les audiences sont publiques. La peine encourue est de un à six ans de détention. Si elle devait être exécutée, le Vatican ne disposant pas de prison, la secrétairerie d’État devrait demander à l’État italien, qui peut le refuser, de prendre en charge l’incarcération. Au cours de la procédure, le pape peut intervenir à tout moment en faveur du prévenu. En qualité de chef d’État, il dispose du droit de grâce.
Le Vatican peut également demander l’assistance des autorités italiennes pour interroger d’éventuels témoins ou complices, citoyens italiens. Selon le P. Federico Lombardi, directeur de la salle de presse du Saint-Siège, une telle demande « n’a jamais été déposée ». Cette hypothèse n’est pas pour autant exclue.
Une commission indépendante
Le professeur Paolo Papanti-Pelletier, juge au tribunal du Vatican depuis six ans, précise que la commission composée de trois cardinaux (Julian Herranz, Jozef Tomko, Salvatore De Giorgi) chargée par le pape d’enquêter sur cette affaire, « agit indépendamment de la procédure judiciaire, et en réfère directement au pape ». En fait, elle est la seule à pouvoir entendre les cardinaux éventuellement concernés par cette affaire. En effet, selon le code de procédure pénale du Vatican, les cardinaux ne sont pas soumis aux deux premiers degrés de la juridiction vaticane, mais seulement à la Cour de cassation, laquelle est composée de trois juges cardinaux. « C’est à ce niveau que se jouerait le nœud de l’affaire » conclut Frédéric Mounier correspondant pour La Croix à Rome.
Apic/Lcx/bl