Dans notre édition de ce lundi 4 juin, nous avons relayé l’information selon laquelle la Congrégation pour la doctrine de la foi (CFD) a publié une note sur le livre intitulé ‘Just love. A framework for christian sexual ethics’, de Sœur Margaret A.Farley. Il nous paraît important d’y revenir puisque la CDF estime que l’ouvrage « n’est pas en conformité avec la doctrine de l’Eglise catholique ». Une première depuis cinq ans !
Paru en 2006, l’ouvrage a fait l’objet d’une intense correspondance entre la congrégation religieuse de sœur Margaret et le Vatican qui reproche à ce professeur d’éthique de défendre la masturbation, le ’mariage’ homosexuel ou encore le divorce. En 2011, la Congrégation, présidée par le cardinal Levada (photo) s’était déjà adressée à l’auteur pour lui transmettre une évaluation préliminaire de son livre et lui indiquer les problèmes doctrinaux qu’il comportait. Sa réponse ne fut pas jugée satisfaisante ce qui a entraîné la Congrégation à entreprendre un examen en procédure d’urgence. Une commission d’experts a donc évalué l’ouvrage et jugé qu’il contenait « des affirmations erronées, dont la diffusion risque de nuire gravement aux fidèles« . La liste des affirmations erronées fut transmise à l’auteur pour l’inviter à les corriger. D’après les membres de la congrégation, la réponse de Sœur Farley à cette requête « ne clarifiait pas de manière adéquate les graves problèmes contenus dans son livre ».
Des prises de position non conformes au Magistère
Le dicastère reproche à la religieuse des ’Sisters of Mercy of the Americas’ de ne pas comprendre « correctement le rôle du Magistère de l’Eglise, comme enseignement autorisé des évêques en communion avec le successeur de Pierre ». Le texte de la note est daté du 14 mars 2012 et a été approuvé deux jours plus tard par Benoît XVI.
Outre les prises de position en matière d’actes comme la masturbation – qui, selon l’auteur de l’ouvrage, ne pose généralement aucun problème de moralité- , ce qui est une affirmation non conformes à la doctrine catholique qui estime que cet acte est intrinsèquement et gravement désordonné, Soeur Farley aborde aussi la problématique de l’homosexualité, estimant que « les relations et les actes homosexuels peuvent être justifiés, en conformité à la même éthique sexuelle, tout comme les relations et les actes hétérosexuels ». La CDF précise que cette opinion n’est pas acceptable. « En réalité, l’Eglise catholique distingue entre les personnes présentant des tendances homosexuelles et les actes homosexuels. Concernant les personnes présentant des tendances homosexuelles, le Catéchisme de l’Eglise catholique enseigne qu’elles doivent être accueillies avec respect, compassion et délicatesse. On évitera à leur égard toute marque de discrimination injuste ».
La note de la CDF ajoute : « Par contre, concernant les actes homosexuels, le Catéchisme de l’Eglise catholique affirme que, s’appuyant sur l’Ecriture, qui présente les relations homosexuelles comme des dépravations graves, la Tradition a toujours déclaré que les actes d’homosexualité sont intrinsèquement désordonnés. Ils sont contraires à la loi naturelle. Ils ferment l’acte sexuel au don de la vie. Ils ne procèdent pas d’une complémentarité affective et sexuelle véritable. Ils ne sauraient recevoir d’approbation en aucun cas ». Quant à la position de Sœur Farley sur le mariage homosexuel, la note rappelle que « L’Eglise enseigne que le respect envers les personnes homosexuelles ne peut en aucune façon conduire à…la reconnaissance juridique des unions homosexuelle s ». La note porte encore sur d’autres prises de position de la religieuse américaine, notamment en matière de divorce et de remariage. A cet égard, la CDF rappelle l’indissolubilité du mariage. « L’Eglise maintient qu’elle ne peut reconnaître comme valide une nouvelle union, si le premier mariage l’était », dit la note.
Un livre à ne pas utiliser
Par cette notification, la Congrégation exprime « son profond regret de ce qu’un membre d’un institut de vie consacrée affirme des positions en contradiction directe avec la doctrine catholique en matière de la morale sexuelle ». Et d’avertir les fidèles qu’en conséquence le livre de Sœur Margaret A.Farley « ne peut donc être utilisé comme une expression valide de la doctrine ni pour la direction spirituelle et la formation, ni pour le dialogue œcuménique et inter-religieux ». Par ailleurs, la Congrégation désire encourager les théologiens afin qu’ils poursuivent la tâche d’étudier et d’enseigner la théologie morale en pleine conformité avec les principes de la doctrine catholique.
Voici plusieurs années que la CDF n’avait pas ainsi publié de notification. La dernière datait de 2007 et concernait les ouvrages du jésuite espagnol Jon Sobrino, l’une des dernières grandes figures latino-américaines de la théologie de la libération, avait refusé de se soumettre à la mise en garde de la congrégation sur le contenu de ses livres présentant Jésus davantage dans sa dimension humaine que divine.
Etroite surveillance
La publication de cette notification intervient dans un contexte où les religieuses américaines font l’objet de toute l’attention du Vatican. En particulier, la CDF surveille la ‘Leadership Conference of Women Religious’ (LCWR), la principale association de supérieures de congrégations religieuses aux Etats-Unis – dont font partie les ‘Sisters of Mercy of the Americas’. En avril dernier, après 3 années d’enquête, la CDF a annoncé son intention de lancer un vaste programme de réforme pour résoudre les « problèmes sérieux » posées par la LCWR. Réunie à Washington du 29 au 31 mai, la direction de la LCWR a fait part de ses inquiétudes concernant la manière dont la CDF avait élaboré son programme de réforme et le contenu de ce dernier, basé sur « des accusations peu solides ».
Une réunion est prévue le 12 juin au Vatican entre la directrice de la LWCR, sœur Janet Mock, le préfet de la CDF, le cardinal William Joseph Levada, et l’archevêque de Seattle, Mgr Peter Sartain, chargé de mener à bien cette réforme, en collaboration avec la Conférence épiscopale américaine. Par la suite, la LWCR tiendra des réunions au niveau régional avant de se rassembler au mois d’août pour formuler sa réponse à Rome.
JJD (avec Apic et VIS)