L’embarras et l’incrédulité étaient palpables dans l’Etat de la Cité du Vatican, dès le 25 mai, après l’arrestation du majordome de Benoît XVI, soupçonné d’être impliqué dans la série de révélations de documents secrets. Une arrestation confirmée officiellement le lendemain par le directeur du Bureau de presse du Saint-Siège. Le P. Lombardi a affirmé également que l’homme était en possession illégale de documents confidentiels. Depuis sa détention, Paolo Gabriele entend collaborer pleinement avec la justice du Vatican pour « établir la vérité ».
Un livre à l’origine du scandale
C’est le livre récemment paru « Sa Sainteté – les documents secrets de Benoît XVI » révélant de nombreux documents confidentiels, qui a mis le feu aux poudres et donné lieu à ce qu’on appelle le « Vatileakx ». Surnommé « Vatileaks » – par analogie aux révélations des télégrammes diplomatiques publiés par WikiLeaks – le scandale porte sur une série de documents communiqués à des médias italiens en janvier et février derniers et faisant état de mauvaise gestion au sein du Vatican. Selon l’auteur du livre, Gianluigi Nuzzi, et pour beaucoup d’autres, le majordome n’aurait pas agi seul. Interpellé à son domicile familial au sein de l’Etat de la Cité du Vatican dans la soirée du 23 mai, l’arrestation de Paolo Gabriele laisse perplexe un grand nombre de ses proches au Vatican. Quelles sont les motivations réelles de ces vols de documents qui ont abouti notamment à la publication du livre de Gianluigi Nuzzi ?
Selon la presse italienne de dimanche 27 mai 2012, la chasse se poursuit pour retrouver les autres « taupes » et leurs commanditaires. Le quotidien italien « La Stampa » écrit que les enquêteurs cherchent des confirmations, des preuves, des complices et un éventuel « niveau supérieur ». Le quotidien « Il Corriere della Sera », fait état d’une enquête à l’intérieur du Palais apostolique, où les interrogatoires se sont poursuivis durant le week-end, malgré la solennité de la fête de la Pentecôte.
Devant ce flot d’informations déversé par les journaux italiens, le directeur du Bureau de presse du Saint-Siège a dû procéder à certaines rectifications, critiquant certaines spéculations formulées sans fondement. Ainsi dans la soirée du 27 mai, le Père Federico Lombardi démentait la thèse selon laquelle la famille du majordome du pape aurait quitté son appartement du Vatican, ainsi que l’existence d’appareils de reproduction sophistiqués dont Paolo Gabriele aurait eu usage pour diffuser des documents confidentiels. Le jésuite a démenti catégoriquement l’existence d’un cardinal italien parmi les suspects. A ses yeux, un groupe de ’taupes’ dirigées par une femme relève de « la pure fantaisie ». Il a reconnu que la commission cardinalice auditionnait plusieurs personnes, « dont des cardinaux dirigeant des services de la curie ». Le directeur du Bureau de presse n’a pas commenté le fait que Paolo Gabriele ait pu agir pour d’autres personnes. Il s’est contenté de préciser que le majordome était jusqu’à présent la seule personne en état d’arrestation, tandis que d’autres étaient auditionnées. Le Père Lombardi a aussi invité à distinguer très nettement les deux événements survenus simultanément, que sont l’arrestation du majordome du pape et le limogeage d’Ettore Gotti Tedeschi du Conseil de surintendance de l’Institut pour les œuvres de religion (IOR).
Paolo Gabriel, l’homme de confiance
Si la culpabilité de ce proche de Benoît XVI reste à prouver, beaucoup s’interrogent au Vatican sur les motifs qui l’auraient conduit à dérober des courriers ou notes adressés au pape et à son secrétaire. “Ami de tous“, “pieux et discret“, “si gentil“… les superlatifs ne sont pas de trop dans la bouche de ceux qui connaissent ce quadragénaire entré au service du pape début 2006. Plusieurs disent aussi leur perplexité après l’arrestation d’un homme habitué à servir et qui, arrivé tout jeune au Vatican, a gravi les échelons avant d’intégrer la “famille pontificale“. Marié et père de jeunes enfants, Paolo Gabriele est l’une des très rares personnes à avoir accès aux appartements du pape. Logé à deux pas du Palais apostolique, il y passe cependant ses journées auprès de Benoît XVI, en compagnie des quatre laïques consacrées italiennes au service du pape et de ses deux secrétaires particuliers.
Ouverture d’une instruction judiciaire
Après avoir assisté à une messe le dimanche de Pentecôte, le majordome du pape a reçu la visite de sa femme, avant de se soumettre à d’autres interrogatoires, accompagné de ses deux avocats habitués à travailler avec le Tribunal du Vatican. Le porte-parole du Vatican a précisé que l’épouse du valet de chambre n’avait accordé aucune interview à la presse. Après 3 jours de détention provisoire à la Gendarmerie vaticane, et une enquête préliminaire menée par le Promoteur de justice du Vatican (procureur) Nicola Picardi, une phase d’instruction formelle est à présent ouverte conduite par le juge d’instruction Piero Antonio Bonnet. Seule la justice vaticane est, pour l’heure, concernée par cette affaire. L’avocat Carlo Fusco et sa consoeur Cristiana Arru, qualifiés en droit canonique, assistent Paolo Gabriele. Le premier a eu un long entretien avec son client qui semble « très serein et tranquille ». L’affaire suivra son cours à travers trois degrés de juridiction : le tribunal de première instance, la Cour d’appel du Vatican et la Cour de cassation présidée par le cardinal Raymond Leo Burke. Seule cette dernière instance est habilitée à juger d’éventuels délits commis par des cardinaux. La procédure canonique se déroule à huis clos, sauf la communication des éléments aux parties. Le code pénal du Vatican s’inspire en grande partie de la loi civile italienne.
Le directeur du Bureau de presse du Saint-Siège a précisé que la commission cardinalice pouvait interroger des membres de dicastères pour demander des informations. Elle se tenait informée des procédures pénales menées par la Gendarmerie et devait informer Benoît XVI des résultats de son travail.
Et le pape dans tout ça?
C’est un pape visiblement fatigué et préoccupé par les derniers rebondissements de l’affaire « Vatileaks » – les fuites de documents confidentiels du Vatican – qui a présidé, dans la matinée du 27 mai 2012 au Vatican, la messe de la fête de la Pentecôte, en présence de quelque 90 évêques et cardinaux de la curie romaine et quelques milliers de fidèles. Dans son homélie, Benoît XVI a particulièrement appelé l’humanité à l’unité et à la vérité, soulignant à plusieurs reprises le paradoxe d’un monde où la communication s’est développée alors que les hommes semblent toujours divisés. En marge de la solennité de Pentecôte, interrogé sur l’état d’esprit de Benoît XVI, le Père Lombardi a expliqué que le pape était « informé et conscient de la situation délicate, vécue y compris au sein de la curie romaine ». Et d’ajouter que Benoît XVI faisait toujours preuve de « supériorité morale et de foi ». Le directeur du Bureau de presse du Saint-Siège a reconnu que « la situation était douloureuse pour beaucoup de personnes, du fait de la proximité de Paolo Gabriele, mais aussi pour l’image négative du Saint-Siège et de l’Eglise » qui ressort de cette affaire. Le Père Lombardi a souhaité « un climat de vérité, de transparence et de confiance ».
BL (avec Apic/imedia/Lcx)