Editorial de Pascal André paru dans le « Dimanche Express » n°41 du 20 novembre 2011 :
Ces vingt dernières années, plusieurs découvertes scientifiques l’ont prouvé: nous sommes une espèce empathique, naturellement disposée à l’altruisme et à la générosité. Pour celles et ceux qui pensaient que nous n’étions que des êtres calculateurs, égoïstes et dépourvus de scrupules, cette affirmation a évidemment de quoi surprendre. Elle est même bien difficile à croire. Chaque jour, en effet, l’actualité nous donne des milliers de raisons de douter de la soi-disant bonté naturelle de l’être humain, et cela sans qu’il y soit forcément question de grand banditisme, de corruption ou de meurtres. Car, sans vouloir les minimiser, il y a bien pire que ces horribles agissements; ce sont tous ces manques d’attention, ces incivilités et ces comportements individualistes qui nous pourrissent la vie au quotidien et contribuent à créer un sentiment de méfiance généralisée. Or, Dieu sait combien nous avons besoin de solidarité et de bienveillance en ces temps troublés.
Le problème, c’est que la gentillesse ne fait plus guère recette aujourd’hui. Associée à la faiblesse, voire à la bêtise, elle est souvent moquée et dénigrée. Cyniques, nous vivons dans un monde où tout don vaut abandon, pour ne pas dire défaite. Il est d’ailleurs curieux de constater combien, avec le temps, l’adjectif « gentil » s’est pourvu d’une connotation péjorative et est généralement perçu comme synonyme de « niais », « faible », « sans caractère », voire « dénué d’intelligence », « de conviction » ou « de sens critique ». Il est donc grand temps de réhabiliter la gentillesse, d’autant que derrière son apparente simplicité se cache une vertu efficace et stratégique. Des études scientifiques ont effectivement montré que nous avons bien plus davantage à être gentils que méchants. Non seulement, le don crée une dette et engendre un cercle vertueux, mais il augmente l’estime de soi et a des effets bénéfiques sur la santé.
Bien sûr, me direz-vous, le Christ nous invite à donner sans compter, voire au détriment de notre propre vie, mais même une gentillesse « intéressée » serait déjà bonne à prendre en soi! N’est-ce d’ailleurs pas le sens premier de cette phrase de l’Évangile: « Ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le pour eux pareillement »? Une règle à la portée de tous et qui aurait pu servir de slogan à la Journée de la gentillesse du 13 novembre dernier.