Martyre de la Révolution française, guillotinée à Dax en 1794, Sœur Marguerite Rutan a été béatifiée ce 19 juin lors d’une cérémonie mêlant la ferveur chrétienne dans une ambiance proche d’une féria.
Dax a fêté à sa manière la béatification de Sœur Marguerite Rutan, dans un mélange des genres inhabituel. Environ 7.000 personnes ont ainsi pu vibrer aux sons des « classiques » du répertoire des bandas, agiter leurs foulards blancs et faire la « ola » dans les arènes de la préfecture landaise, en préambule d’une cérémonie haute en couleur. Cette dernière était le point d’orgue de trois jours de fête qui avaient commencé le 18 juin au soir, avec une veillée de prière à la cathédrale, et qui se clôturent ce lundi avec la première messe en l’honneur de la bienheureuse, présidée par Mgr Philippe Breton, évêque d’Aire et Dax.
Inhumainement sacrifiée
Née à Metz, le 23 avril 1736, et entrée chez les filles de la Charité de Saint Vincent de Paul, à 21 ans, c’est en effet à Dax que sœur Marguerite fit l’essentiel de son œuvre, en concevant et dirigeant le nouvel hôpital Saint Eutrope. Mais cette infirmière débordera largement de son domaine en apprenant à lire et à écrire aux enfants, tout en leur donnant un métier. Les Filles de la Charité devenaient ainsi également institutrices. En juin 1788, Soeur Rutan dut cependant fermer les classes, par manque d´argent pour nourrir les enfants. Elle accorda alors son attention sur une autre catégorie de pauvres, « les filles abandonnées et sans ressources qui, pour cacher le fruit de leur incontinence, pourraient se porter à la suppression de l´enfant ». Les services sociaux n´existaient pas à l´époque. Tout était à la charge de l´Eglise.
Pionnière de l´action sociale, Soeur Rutan suivit l´intuition de son fondateur, saint Vincent de Paul: faire beaucoup avec bien peu, en s´engageant dans un réseau, qui ignore les frontières et respecte la mobilité. Mais la Révolution commençait à semer la Terreur. En 1792, les Soeurs sont accusées de vol. Et le 3 octobre 1793, elles sont invitées à choisir entre prêter serment à la Constitution ou être expulsées. Toutes refusent de jurer. La veille de Noël, Soeur Marguerite est accusée d´avoir « par son incivisme, cherché à corrompre et à ralentir l´esprit révolutionnaire et républicain » des militaires en traitement à l´hôpital.
Elle est alors envoyée à la maison de réclusion des Carmes, transformée en prison. Le 8 avril 1794, elle comparaît en compagnie du Père Jean Eutrope de Lannelongue, prêtre réfractaire. Tous deux sont guillotinés le lendemain. Marguerite chante le Magnificat en marchant vers l´échafaud. Elle repousse le bourreau, par ces mots: « Aucun homme ne m´a jamais touchée ».
Un an plus tard, le directoire du district déclare, à son sujet: « La commune de Dax regrettera longtemps cette femme vertueuse qui, par caractère tenant à son opinion religieuse, a été inhumainement sacrifiée sur des motifs dont la preuve reste encore à acquérir ». Il faudra attendre plus d’un siècle, le 9 avril 1905, date anniversaire de son exécution, pour qu’ un acte civil solennel de réparation soit adressé pour la respectable victime.
Saluée par le pape
A Saint-Marin, où il était en visite, Benoît XVI a salué la figure de Marguerite Rutan, le matin de cette béatification, juste avant de réciter la prière de l’Angélus dans le stade de Serravalle. En français, le pape a assuré qu’il participait « spirituellement à la joie des Filles de la charité et de tous les fidèles qui, à Dax, prendront part à la béatification de sœur Marguerite Rutan, témoin lumineux de l’amour du Christ pour les pauvres ». Dans les Landes, Benoît XVI était représenté par le cardinal Angelo Amato, préfet de la Congrégation pour les Causes des Saints.
P.G.