Quel avenir pour l’Eglise, entre Rome et le “Sud global” ?


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Quel avenir pour l’Eglise, entre Rome et le “Sud global” ?
Ian Linden
Par Pierre Granier
Journaliste de CathoBel
Publié le - Modifié le
3 min

Ian Linden

Une quarantaine de chercheurs, professeurs d’Université, hommes d’Eglise et membres du Conseil œcuménique des Eglises (COE) se sont réunis pour échanger sur la globalisation des Eglises et l’histoire récente du COE, L’occasion, pour Ian Linden, de dresser le portrait de l’Eglise catholique après Vatican II: "De l’Eglise impériale à l’Eglise en réseau".

Avant même le Concile de Vatican II (1962-1965), l’Eglise catholique est consciente de sa “globalité” : les “enfants noirs” sont les premiers bénéficiaires de la charité européenne, les missionnaires sont soutenus par les Eglises du “monde développé” et des prières sont dédiées aux chrétiens persécutés derrière le rideau de fer. Cependant, l’Eglise catholique reste – et est aujourd’hui encore – institutionnellement parlant une organisation dirigée et dominée par les Italiens et plus largement les Européens, souligne Ian Linden, de la “Tony Blair Faith Foundation”.
Aux yeux de Rome, la globalisation doit se faire sur le modèle centre-périphérie. Les visites du pape et celles ad limina des évêques, les nonces apostoliques, les élections du Saint-Père et les béatifications concourent à ce système. Les fréquents voyages de Jean-Paul II en sont un exemple. Lorsque Benoît XVI est élu, l’Eglise catholique est déjà divisée entre la force centripète exercée par Rome et les forces pluralistes et centrifuges, libérées par le Concile.

Des réseaux globaux de laïcs et de religieux

Avec l’avènement de la Théologie de la libération, différents centres catholiques apparaissent en dehors de Rome. Des synodes d’évêques, persuadés que l’engagement pour la justice sociale est constitutif d’une vraie évangélisation, se mettent en réseau de par le monde. Ensemble, ils discutent et élaborent des solutions locales. Le multiculturalisme gagne en importance dans l’Eglise.
Ainsi, les modes de communication actuels et les réseaux globaux de laïcs et de religieux ne peuvent plus être contrôlés par Rome. L’Asie, l’Afrique et l’Amérique latine s’en viennent évangéliser l’Europe, apportant leur propre expérience culturelle. Engagées dans la lutte contre le trafic humain, les Sœurs de différents continents permettent la prise en charge des femmes exploitées, avant et après leur retour dans leur pays d’origine. Les réseaux qui lient les commissions “Justice et Paix” des différents diocèses ne transitent plus par Rome et permettent un échange d’information rapide sur les violations des droits humains. Les laïcs, chargés par Vatican II de construire le Royaume de Dieu en transformant les sphères économiques, sociales et politiques, se regroupent en mouvements supranationaux qui dépassent les structures des paroisses et diocèses.
Ce large spectre d’inter-connections constitue un fort contre-pouvoir au modèle impérial défendu par Rome. Si les croyants du monde entier vont au Vatican dans l’espoir de voir le pape, symbole vivant de la communauté, de la tradition et de leurs racines, il est une autre globalisation, moins évidente de prime abord: celle d’une Eglise en réseau, une Eglise du Sud global. Et Ian Linden de s’interroger: entre une uniformité imposée et eurocentriste et une saine et fidèle diversité, l’Eglise catholique trouvera-t-elle sa voie ?

Apic/P.G.

Catégorie : International

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