En ce 22e dimanche du Temps Ordinaire C, le frère Laurent Mathelot nous partage l’évangile de Luc « Quiconque s’élève sera abaissé, qui s’abaisse sera élevé »:
Lorsque, dans l’Evangile, Jésus parle de noces, c’est toujours de noces avec Dieu. Et c’est évidemment notre vie spirituelle qu’évoque cette parabole. Parce que la vie spirituelle est aussi un lieu de hiérarchies, avant tout celle du bien et du mal, en vue de la vie bonne. La vie religieuse – au sens le plus large de la vie spirituelle des chrétiens – est un lieu où l’on se donne des priorités, entre lesquelles il s’agit de discerner.
En soi, se donner des hiérarchies, des priorités n’est pas une mauvaise chose: il est utile qu’une échelle ait des échelons les uns plus haut que les autres. Progresser spirituellement, c’est se donner des priorités, une hiérarchie de valeurs, un « plus loin, plus haut » qui nous apparaît meilleur. La finalité de la vie spirituelle est bien d’aller au ciel.
Le problème survient quand ce ne sont plus les valeurs en soi que nous hiérarchisons mais bien les personnes. En ce sens, la hiérarchie catholique est celle de fonctions et non de personnes. On n’est évidement pas plus saint parce qu’on est prêtre populaire ou laïc influent. A cet égard, le nombre de superbes que leur péché a fait chuter de leur piédestal ecclésial est hélas parlant.
Les premiers rangs dans l’assemblée de noces avec Dieu sont réservés à ceux que lui seul désigne: les saints, la seule hiérarchie ecclésiale qui compte aux yeux de Dieu. Et le cœur de l’Evangile de ce dimanche insiste: on ne s’élève pas de soi-même vers la sainteté. Aucune position ecclésiale, aussi élevée soit-elle, ne témoigne de mérite personnel. Seul Dieu appelle véritablement auprès de Lui.
Si le cœur de l’Evangile dénonce l’importance que parfois nous nous donnons, le principe-même d’assigner une valeur aux personnes – nous-mêmes comme autrui – est détestable. Jésus s’affronte constamment à l’idée qu’il y aurait des meilleurs et des moins bons, des agneaux sans tache et des brebis perdues. L’idée d’assigner une valeur aux personnes est profondément contraire au message chrétien tant elle est le moteur de toutes les ambitions, de toutes les rivalités, de toutes les férocités et prédations, dans une religion qui se veut prôner la fraternité charitable. Elle est la cause de toutes les idolâtries personnelles tel le cléricalisme. Elle est surtout la cause de tous les abus de pouvoir, charnels ou spirituels.
Toutes vos hiérarchies humaines, toutes vos convenances sociales, mon Père les bousculera – nous dit Jésus avec cette parabole.
Le propos fondamental de l’Evangile d’aujourd’hui est l’humilité personnelle face à la sainteté – humilité qui ne revient pas à se considérer humainement inférieur aux autres. L’humilité, c’est s’accepter l’égal de tous, chacun avec sa part de grandeur et sa part de faiblesse, aimés de la même tendresse divine. L’humilité, c’est assumer notre grandeur et notre faiblesse collectives face à Dieu.
Ainsi pouvons-nous nous réjouir de la démarche synodale actuelle, qui transcende les hiérarchies fonctionnelles pour réaffirmer avec force tant l’égale dignité que l’humilité de tous, face aux dons de l’Esprit-Saint.
Frère Laurent MATHELOT, o.p.