
Es-tu à jour ?
Le dimanche soir, la question portait sur l’achèvement des devoirs et leçons et, indirectement, sur la préparation des vêtements en vue du départ en classe lundi matin. Etre à jour. Se tenir prêt à redémarrer tôt pour éviter l’énervement à l’heure inflexible du bus vers l’école.
Depuis, elle s’assortit d’autres connotations mais m’en reste pas moins une mise en demeure: me tenir prête car vous ne savez ni le jour ni l’heure.
Le premier de l’an, celui des résolutions dont nous espérons qu’elles ne restent pas des vœux pieux, je tourne le regard du cœur vers demain, reconnaissante de jouir d’une année de plus à vivre, mais aussi vers hier pour exprimer la gratitude à l’égard de ce qui a été reçu, traversé, y compris les épreuves surmontées du mieux possible.
Ce samedi férié, je n’ai pas vu le voisin à la retraite (drôle de mot qui évoque battre en retraite alors qu’il s’agit simplement de se mettre un peu en retrait de la vie dite courante pour adopter une autre démarche!) qui va chaque matin à la maison de la presse acheter le journal. Mini promenade par tous les temps; je devine que, au seuil d’une journée peut-être solitaire, il cherche le contact avec le puis la libraire. Il a raison de ne pas s’enfermer. Affaire d’hygiène physique et mentale.
J’aime ce mot Journal: à l’heure du tout numérique, cette gazette, encore en papier, Dieu merci!, compte dans la vie de nombreuses personnes. Elles guettent et s’indignent d’un retard dans la tournée du facteur, d’une interruption due aux grèves, à une erreur: une manière de se relier au monde proche, à l’outre-frontière, à la planète. Pain et journal: sommes-nous si loin des photos de Doisneau? Autrement dit, il s’agit de se mettre à jour, de s’informer de l’actualité.
En ce premier de l’an, sans l’ajourner, nous pourrions faire vœu de tendre l’oreille plus attentivement à ce qui se passe, se vit, se subit aujourd’hui autour de nous: la chronique nécrologique, le problème lancinant, apparemment insoluble, des demandeurs d’asile… Mais voilà! Les jours fériés, le quotidien ne paraît pas. Les journalistes ont besoin de souffler eux aussi, de faire la fête avec famille et amis.
J’aurais envie de leur dédier un compliment, analogue à celui que nous adressions à Mélanie, notre grand-mère, le jour de la réunion de famille annuelle où nous défilions, nous ses innombrables petits-enfants et arrière-petits-enfants (n’avait-elle pas mis au monde onze enfants) en tremblant un peu, craignant de bégayer, nous les plus jeunes. Elle n’avait pas les moyens de nous donner des étrennes; c’était sans importance; notre parrain ou notre marraine s’en chargerait. Puis, nous nous précipitions vers la cave pour remonter les plateaux de petits pains garnis de fromage, jambon, pâté, à distribuer dans le brouhaha joyeux; les plus petits passaient entre les jambes des grands, se faisaient minces entre les fauteuils des autorités.
Jour de l’an, pas seulement le moment de cuver les excès du réveillon, mais plaisir des retrouvailles, des souhaits sincères. Quelque chose a lieu à cette charnière: des rencontres que ni une grasse matinée ni un divertissement télévisuel ni même la charge tragique du journal télévisé n’éluderont, d’autant plus que le confinement nous a interdit ces étreintes chaleureuses. Que jamais le confort, l’usure ou la mesquinerie ne nous privent de ces fêtes du cœur. Par bonheur cette année, le 1er de l’an est tombé un samedi et nous avons disposé de deux jours pour nous consacrer à ce rituel. Retrouver le sens du Que Dieu vous donne le bonjour, le bon an!
A jour, lundi, j’ai attendu paresseusement que, avant même six heures, Bpost dépose le quotidien dans notre boîte; plus tard, j’ai accompagné du regard le voisin se hâtant vers la Maison de la presse. A mon tour de vous adresser mes vœux les plus vifs.
Nous nous tenons sur la crête
entre Noël, sa promesse tenue,
et l’an avide de renouveau.
Au nœud des turbulences, crises et virus,
quelle joie pourrait surgir ,
qui soit vraie, et non simulacre?
Désirons-nous simplifier,
aérer nos existences
encombrées, éparpillées, haletantes?
Le voeu de bienveillance
aura raison de nos frilosités.
Il sera passerelle entre nous.
Nous oserons nous établir
dans une fête fraternelle
en allègre partage.
Colette NYS-MAZURE

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