Cours de religion: La « prière instante » de l’Instance


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Cours de religion: La « prière instante » de l’Instance
Par La rédaction
Publié le - Modifié le
7 min

Face aux menaces qui pèsent sur le maintien du cours de religion dans l'enseignement officiel, Mgr Harpigny, au nom de l'Instance pour le cours de religion, a rédigé cette "prière" très pressante.

Dans un contexte politique difficile pour l’avenir des cours de religion catholique et à la demande de Mgr Harpigny, évêque référendaire pour le cours de religion, la Conférence Episcopale a constitué – dès 2015 - une Instance pour le suivi de ces cours.  Elle est composée des délégué(e)s épiscopaux pour l’enseignement, d’un conseiller émérite de l’ancienne ministre de l’enseignement et du porte-parole de la Conférence épiscopale. Elle a trois missions : la recherche, la communication et la participation aux structures de concertation relatives aux cours de religion.

Des cours garantis par l'article 24 de la Constitution

Depuis sa création, l’Instance travaille activement à soutenir les professeurs de religion dans les différents réseaux d’enseignement et veille à argumenter la pertinence de ce cours tel qu’il est aujourd’hui dispensé. En bonne synergie avec les autres Cultes reconnus en Belgique, elle souligne les enjeux essentiels du maintien d’un tel cours dans la formation des élèves. Ces enjeux sont de différents ordres.

Dans l’enseignement libre catholique, ce cours de deux heures par semaine fait intégralement partie du cursus des élèves comme le souligne le nouveau texte de référence « Mission de l’école chrétienne ». Pour ce qui concerne les réseaux de l’enseignement officiel (Enseignement Wallonie-Bruxelles, Enseignement des provinces, Enseignement des villes et communes), l’article 24 de la Constitution est particulièrement explicite sur le fait que le choix de l’enseignement d’une des religions reconnues ou de la morale non confessionnelle doit être proposé aux élèves qui fréquentent les écoles des réseaux de l’enseignement officiel, du début à la fin de l’obligation scolaire. Il ajoute même que « Tous les élèves soumis à l’obligation scolaire ont droit, à charge de la communauté, à une éducation morale ou religieuse ».

80 à 90 % des parents continuent de choisir l’un des cours de religion ou de morale

Depuis 2015, un cours de philosophie et citoyenneté a été introduit dans le cursus scolaire à raison d’une heure par semaine dans l’enseignement officiel, au détriment d’une heure de religion ou de morale. En même temps, les parents étaient désormais autorisés à demander une dispense de ce cours pour leur enfant.  Dans cette situation de dispense, l’élève concerné suit une seconde heure de philosophie et de citoyenneté.

Depuis plus de 6 ans, les parents ou les personnes responsables d’un élève ainsi que les élèves majeurs sont ainsi consultés dans l’enseignement officiel.  Même si l’on constate, d’année en année, un léger tassement des chiffres, 80 à 90 % d’entre eux continuent de choisir l’un des cours de religion ou de morale et ne demandent pas la dispense.  Il y a là un signe citoyen, peut-être aussi l’expression d’une attache culturelle au religieux, que les décideurs politiques ne devraient pas négliger.  D’autant que la Convention européenne des droits de l’homme et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques proclament la liberté des parents de faire assurer l’éducation religieuse et morale de leurs enfants conformément à leurs propres convictions.

Outre une question de tradition et/ou de conviction familiale, ce large soutien des parents aux cours de religion ou de morale trouve probablement son fondement dans les objectifs actuellement poursuivis dans ces cours. Pour le cours de religion catholique, ils sont clairement présentés dans le Référentiel de ce cours. 

Les trois objectifs des cours de religion

Premier objectif : travailler des questions de sens en ouvrant les élèves à la dimension religieuse : donnés par une personne mandatée et formée par des institutions académiques reconnues par la Fédération Wallonie-Bruxelles, ces cours permettent aux élèves d’apprendre à se situer personnellement par rapport à l’éclairage que donne la dimension religieuse aux questions de sens.

Deuxième objectif : construire le vivre ensemble, lieu de questionnement, de recherche, de découvertes, d’expression respectueuse et d’écoute, ces cours - qui rassemblent des élèves de cultures et d’appartenances religieuses différentes – leur apprennent à rencontrer l’autre en dépassant jugements et préjugés sans renier pour autant leurs propres convictions. Une libre expression des convictions, éduquée et donc couplée à un usage de la raison, constitue la garantie d’une véritable éducation à la citoyenneté et une protection contre les fondamentalismes.

Troisième objectif : travailler le dialogue tellement essentiel entre culture et religion. Comme le soulignait Olivier Roy, « la crise des religions, visible à travers la poussée des fondamentalismes, vient de la disjonction croissante entre religion et culture. Le religieux demeure pour ainsi dire isolé, sorti des cultures traditionnelles où il est né, écarté des cultures où il est censé s’intégrer. De cette schizophrénie naissent la plupart des phénomènes religieux déviants qu’on peut observer aujourd’hui » (O. Roy, La sainte ignorance. Le temps des religions sans culture, Seuil, 2008). Un des enjeux du cours de religion sera précisément de travailler, de manière rationnelle et critique, le dialogue entre culture et religion. Et ce faisant, apprendre aux élèves à identifier et à rejeter les replis extrémistes et toute forme d’abus de pouvoir. Inversement, si l’enseignement de la religion devait quitter la sphère publique de l’école, il ne faudrait pas s’étonner que la voie soit ouverte à diverses dérives du religieux, sans nul doute liées à cette « ignorance » d’un religieux désormais hors du contrôle de l’autorité publique.

Ramener l’enseignement de la religion dans la sphère privée n’est pas sans danger

Etienne Michel le soulignait à juste titre dans les colonnes de La Libre, le 19 mai 2021, « Ramener l’enseignement de la religion dans la sphère privée n’est pas sans danger. L’inculture religieuse et l’appropriation du religieux par des groupes fondamentalistes se nourrissant l’une l’autre constituent une réelle menace. »

Un groupe de travail parlementaire examine actuellement l’éventuel passage à deux heures par semaine du cours de « philosophie et de citoyenneté » dans les réseaux de l’enseignement officiel. Leurs travaux se mènent à huis clos mais les quelques informations qui nous parviennent laissent penser que cet éventuel passage à deux heures se ferait au détriment des cours de religion qui pourraient devenir optionnels dans des plages horaires à définir.

L'instance n'a toujours pas été consultée par les parlementaires. 

Malgré nos demandes répétées, ce groupe de travail parlementaire n’a donné aucune suite à notre souhait d’être associés, au moins auditionnés, sur ces questions et réflexions qui impactent tellement l’avenir des cours de religion.  Si des groupes représentatifs des enseignants de religion ou de philosophie et de citoyenneté ont été auditionnés, il semble bien que la seule autorité « cultuelle » qui l’ait été soit le Centre d’Action Laïque !  Par ailleurs, plusieurs constitutionalistes ont été sollicités pour éclairer le travail de ce groupe parlementaire et, selon un membre du cabinet de la Ministre, seuls deux d’entre eux, tous deux professeurs à l’ULB, ont accepté de s’exprimer. Ces refus et constats nous poussent à questionner, dès à présent, l’impartialité des conclusions que sera amené à rendre le groupe de travail parlementaire, dans les prochaines semaines.

Ne baissons pas les bras!

La presse généraliste ne nous permet pas de relayer notre éclairage sur ces questions et enjeux …et ce n’est pas faute d’avoir essayé de nous faire entendre !  Mais nous ne baissons pas les bras.

En conclusion, sur un plan positif, les objectifs essentiels poursuivis par les cours de religion restent massivement soutenus par les parents et nous nous en réjouissons. Par contre, les refus réitérés auxquels les différents cultes doivent faire face dans leur légitime demande de faire entendre leur voix citoyenne sur les cours de religion restent, à la fois, préoccupants, injustifiables et inquiétants au cœur de notre société multiculturelle et démocratique.

Mgr. Guy Harpigny, Évêque de Tournai
Évêque référendaire pour les cours de religion catholique

Cette prière reprend l'essentiel des thèses développées dans l'entretien accordé par Claude Gillard et Tommy Scholtes à Vincent Delcorps, publié dans le journal Dimanche du 7 novembre.

(Les intertitres sont de la rédaction)

Catégorie : Eglise Belgique

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