Comment donner à l'école l'envie et les moyens d'accueillir la différence, d'ouvrir les classes aux élèves au-delà de leurs difficultés dans un apprentissage dit « ordinaire » ? Comment épauler les enseignants dans cette belle démarche, comment adapter le quotidien pour répondre aux besoins de tous, dans le respect et la curiosité de l'autre ?
Quand on s'intéresse à la notion d'école inclusive, toute une série d'expressions surgissent aussi, comme « pôles territoriaux », « intégration » ou encore « décrets ». Mais quand on parle d'inclusion, de quoi parle-t-on ? « Au niveau de l'enseignement, il s'agit de la présence dans l'enseignement ordinaire d'élèves qui éprouvent des besoins spécifiques », explique Cécile Piette, à la tête du Service diocésain de l'Enseignement Secondaire et Supérieur, pour le Hainaut. « Ils fréquentent les cours exactement de la même manière que les autres élèves, et eux bénéficient de ce qu'on peut appeler des aménagements raisonnables, c'est-à-dire des dispositions particulières qui sont prises en fonction de leurs besoins, basés sur des troubles de type comportemental ou des troubles de l'apprentissage, ou bien sur un handicap. »
C'est ainsi, par exemple, qu'une approche « sur mesure » peut être apportée à des élèves dyslexiques, dyscalculiques ou dyspraxiques, mais aussi malvoyants ou malentendants. Au-delà de cette aide ciblée, il existe aussi des classes à visée inclusive : « C'est un principe un peu différent », souligne Cécile Piette. « Il s'agit alors d'une classe d'une école spécialisée, organisée dans les bâtiments d'une école ordinaire. »
Quand la différence s'estompe...
Si une telle expérience de classe inclusive est actuellement en cours de réflexion pour le niveau secondaire dans le Hainaut, plusieurs initiatives existent déjà au niveau fondamental. C'est par exemple le cas pour une petite dizaine d'enfants dépendant de l'école spécialisée l'Espérance, à Mons, qui suivent leur scolarité dans les locaux de l'Institut Notre-Dame de Jemappes. « Notre école est une école d'enseignement spécialisé maternelle et primaire qui accueille à peu près 185 enfants répartis dans 18 classes en moyenne », détaille Alain Minne, son directeur actuel. Près de 150 personnes – enseignants, logopèdes, kinés, puéricultrices, neuro-psys ou encore assistantes sociales – encadrent les élèves.
Depuis quelques années, une des classes de l'Espérance est carrément sortie des murs de l'école pour aller s'installer dans un autre établissement, à quelques kilomètres de Mons. Cette expérience est partie du pacte d'excellence porté par la ministre Marie-Martine Schyns, au sein duquel était abordée l'inclusion d'enfants aux problématiques un peu plus sévères : « Un de ses projets était la création de classes inclusives : des enfants relevant uniquement de l'enseignement de type 2 ou de type 3 pouvaient vivre une scolarité au sein d'une école ordinaire. L'objectif, c'est de leur permettre de vivre en communauté mais également à certains moments de suivre des activités au sein des classes de l'enseignement ordinaire. »
Ce ne sont parfois qu'un ou deux élèves de l'Espérance qui rejoignent une classe de l'Institut, le temps d'une leçon de lecture ou de calcul, ou au contraire toute la classe qui participe à du bricolage, à du théâtre, ou qui part en classe de mer avec le reste de l'école.
Les aides pédagogiques à la rescousse
Parmi les enfants qui souhaitent trouver une place dans les classes de l'enseignement ordinaire, il y a notamment les enfants sourds ou malentendants. L'asbl APEDAF, Association de Parents d'Enfants Déficients Auditifs Francophones, a pour objectif l'épanouissement de l'enfant sourd et malentendant et de sa famille, à l'école et en-dehors de l'école. Anabelle Mariaule est « aide pédagogique » pour le compte de l'APEDAF : « L'aide pédagogique en général accompagne l'enfant sourd dans la classe, elle est là surtout pour jouer le rôle de ses oreilles ; elle traduit tout ce qu'il se passe dans la classe, les consignes, les cours, reformule parfois les questions. On est aussi là pour accompagner dans la vie de tous les jours, pour créer des liens avec les autres enfants, avec les professeurs, aussi. »
Cette aide commence dès la maternelle et se poursuit parfois jusque dans le supérieur. Florentin, aujourd'hui en 3e secondaire au Collège Saint-Augustin d'Enghien, est un jeune garçon sourd de naissance. Sa surdité a été détectée assez rapidement, et il a été appareillé à 18 mois pour une oreille et un an plus tard pour la seconde. A cause de cette déficience auditive, Florentin avait accumulé un certain retard et ne parlait pas encore en 1ère primaire. Aujourd'hui, c'est un élève épanoui et bien intégré dans son école, et jamais Laurence, sa maman, n'a envisagé de lui faire intégrer l'enseignement spécialisé : « A part la surdité, il n'a aucun autre problème. Cela s'est d'ailleurs très bien passé, puisqu'il a terminé ses primaires avec 80%. Et lorsqu'il est allé au collège à Enghien, comme en primaire, on a rencontré le directeur, certains enseignants, et le problème a été expliqué aux autres élèves de la classe. »
Ces expériences, qu'on ne peut qu'espérer voir se multiplier en Hainaut comme dans le reste du pays, sont une véritable richesse pour le monde de l'enseignement. Pour les enfants « inclus » ou « intégrés », bien évidemment, mais aussi pour les élèves et les instituteurs, professeurs, qui apprennent jour après jour à porter un autre regard sur une certaine forme de différence.
Agnès MICHEL
- Pour écouter ces interviews dans leur intégralité, découvrez ci-dessous le podcast de notre émission radio « Près de chez vous en Hainaut » diffusée sur 1RCF :
Graines d'espérance... | ||
• Cécile Piette : « Je pense qu'on en sort tous grandis. (...) On n'imagine pas ce que les autres peuvent vivre. Un enfant malvoyant ou malentendant demande un système de communication différent. Mais au-delà des aspects techniques, c'est simplement avoir une attention à l'autre, tenir compte de l'autre en ce qu'il est et essayer de rencontrer ses besoins. (...) Cela représente une autre dimension de l'école qui est une école de la vie. Grandir en humanité de cette manière-là, c'est aussi une mission que l'école peut remplir. » • Alain Minne : « Les bénéfices sont à tous les niveaux. Les enfants de l'Espérance vivent dans une école ordinaire, comme s'ils n'avaient jamais mis les pieds dans l'enseignement spécialisé, les enfants de l'Institut Notre-Dame qui apprennent déjà le respect et la tolérance. La grande richesse aussi, c'est que les parents se sentent bien, ils sont à la sortie de l'école comme si leur enfant était comme les autres, ils ne voient plus la différence, ils ne sont plus stigmatisés. » • Anabelle Mariaule : « Où je trouve que c'est génial au niveau humain, c'est en maternelle et en primaire, franchement là les enfants ne se posent pas de questions. C'est un enfant, oui il a des problèmes et il y a quelqu'un qui est là pour l'aider, mais la vie suit son cours... » • Laurence Rasneur : « Cela lui donne un enseignement comme tout le monde, pas organisé uniquement selon le handicap. (...) Cela lui donne l'occasion de ne pas être que dans le monde des sourds, et c'est important pour la socialisation de l'enfant. (...) Il aura plus de difficultés que d'autres, mais il a toutes ses chances. » • Florentin : « Je n'ai pas vraiment de difficultés de m'intégrer avec les copains ou les copines. (...) Les examens c'est un peu plus difficile parce que parfois j'ai du mal à étudier, en cours j'ai parfois du mal à écouter avec les profs, je n'écris pas trop de choses, je me concentre sur le tableau. (...) Je n'ai pas encore d'idée pour plus tard, ce n'est pas pour tout de suite. » |
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