Les scientifiques observent les changements du climat de la Terre dans toutes les régions et dans l’ensemble du système climatique. Bon nombre des changements n’ont pas de précédent depuis des milliers, voire des centaines de milliers d’années. Certains d’entre eux sont déjà en cours et ils sont irréversibles.

Le changement climatique intensifie le cycle de l’eau. Cela entraîne des précipitations plus intenses et inondations associées, ainsi qu’une sécheresse plus intense dans de nombreuses régions. Mais il affecte aussi les modèles de précipitations qui devraient augmenter dans les hautes latitudes et diminuer dans une grande partie des régions subtropicales. Les périodes de sécheresse sont déjà plus intenses en Afrique, par exemple, où les paysans doivent sans cesse adapter leurs cultures.

Les zones côtières connaîtront une élévation continue du niveau de la mer tout au long du 21e siècle, contribuant à des inondations plus fréquentes et plus graves dans les zones basses. Sans parler de l’érosion côtière qui s’intensifiera. D’ici la fin du siècle, des événements extrêmes au niveau de la mer qui se produisaient auparavant une fois tous les 100 ans pourraient se produire chaque année.

Le pergélisol est déjà entré dans une phase de dégel qui sera amplifiée par un réchauffement supplémentaire. Les experts constatent aussi une perte de la couverture neigeuse saisonnière, une fonte des glaciers et des calottes glaciaires et une perte de la banquise arctique en été.

Dans les océans, les scientifiques ont relevé des vagues de chaleur marines plus fréquentes, une acidification accrue et la réduction des niveaux d’oxygène. Cela est clairement lié à l’influence humaine. Et ces changements affectent à la fois les écosystèmes océaniques et les personnes qui en dépendent.

La responsabilité humaine : 1,1°C de réchauffement

Le rapport montre que les émissions de gaz à effet de serre provenant des activités humaines sont responsables de environ 1,1 °C de réchauffement depuis 1850-1900. Il constate aussi que la température mondiale, au cours des 20 prochaines années, devrait atteindre ou dépasser 1,5 °C de réchauffement. Cette évaluation est basée sur des ensembles de données d’observation améliorés pour évaluer le réchauffement historique. Les progrès scientifiques permettent aussi de mieux comprendre la réponse du système climatique aux émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine. A moins qu’il n’y ait des réductions immédiates, rapides et à grande échelle des émissions de gaz à effet de serre, limiter le réchauffement à près de 1,5°C voire 2°C sera hors de portée.

« Ce rapport est une vérification de la réalité » a déclaré Valérie Masson-Delmotte, coprésidente du Groupe de travail I du GIEC. « Nous avons désormais une image beaucoup plus claire du climat passé, présent et futur, ce qui est essentiel pour comprendre où nous allons, ce qui peut être fait et comment nous pouvons nous préparer. » 

Pour mieux comprendre, voici une figure expliquant les effets des activités humaines sur le système climatique.

Changements croissants

« Le changement climatique affecte déjà toutes les régions de la Terre, de multiples manières. Les changements que nous vivons augmenterons encore davantage avec un réchauffement supplémentaire », a déclaré le coprésident du Groupe de travail I du GIEC, Panmao Zhai.  

À 2°C de réchauffement climatique, les chaleurs extrêmes atteindraient plus souvent le seuil de tolérance critique pour l’agriculture et la santé, évaluent les experts. Mais ce n’est pas qu’une question de température. Le changement climatique entraîne de multiples changements selon les régions du monde. Ce qui a un impact évident sur la biodiversité: déplacement d’espèces, disparition de biotopes (lieux de vie) pour nombre d’êtres vivants, etc. Des populations humaines sont également déjà touchées par la disparition de leur habitat.

S’inspirer des effets de la pandémie sur le climat

Les scientifiques expliquent que la pandémie a donné un signal positif, mais seulement temporaire, sur une rapide réduction des gaz à effets de serre. En effet, elle a permis de réaliser une expérience qui aurait été impensable autrement: le confinement a permis de diminuer de 7 % des émissions mondiales de CO2. Mais force est de constater que si la qualité de l’air s’est améliorée temporairement dans le monde, cela n’a eu aucun effet sur la concentration de dioxyde de carbone dans l’atmosphère. Et, par conséquent, aucun effet appréciable sur la température de la planète. Cela confirme, affirment les auteurs du rapport, que la lutte contre le réchauffement de la planète nécessite des réductions importantes et durables de la concentration de CO2 et d’autres gaz à effet de serre, pour aboutir à une dé-carbonisation complète.

Relevons à ce propos que le climatologue belge Jean-Pascal van Ypersele publiait l’an dernier une « lettre d’un climatologue confiné » (1), faisant un parallèle avec la pandémie du coronavirus.

Avant qu’il ne soit vraiment trop tard

Greta Thunberg, la jeune activiste pour le climat, insiste: « Le nouveau rapport du GIEC ne contient pas de vraies surprises. Cela confirme ce que nous savons déjà de milliers d’études et de rapports précédents: nous sommes dans une situation d’urgence. » Et elle rajoute par ailleurs: « Ce rapport ne nous dit pas ce qu’il faut faire. C’est à nous d’être courageux et de prendre des décisions basées sur les preuves scientifiques fournies dans ces rapports. On peut encore éviter les pires conséquences, mais pas si on continue comme aujourd’hui, et non sans traiter la crise comme une crise. »

C’est dans ce sens que le président du GIEC, Hoesung Lee, a déclaré: « Les innovations de ce rapport et les progrès de la science du climat qu’il reflète, apportent une contribution inestimable aux négociations et à la prise de décisions sur le climat ».

Réduire toutes les émissions de GES

Selon le rapport, non seulement il ne faudrait plus émettre de CO₂ mais aussi réduire fortement les émissions d’autres gaz à effet de serre (GES). Par exemple, les CH₄ que l’on trouve dans les aérosols et qui pollue énormément. Une réduction forte, rapide et durable de ces émissions limiterait également l’effet du réchauffement et améliorerait la qualité de l’air.

Les scientifiques évaluent donc des scénarios à faibles ou très faibles émissions de GES qui conduiraient en quelques années à des effets perceptibles sur les concentrations de gaz à effet de serre et d’aérosols, et sur la qualité de l’air, par rapport aux scénarios à fortes et très fortes émissions de GES. Entre ces scénarios contrastés, ils estiment qu’un délai de 20 ans montrerait des différences discernables dans les tendances de la température à la surface du globe. Ils ont aussi une confiance élevée que, sur des périodes plus longues, ces différences se verraient pour de nombreux autres facteurs d’impacts climatiques.

Enfin décider à la COP 26 à Glasgow ?

En novembre prochain, lors de la 26e  Conférence des Parties (COP) sur le climat, se posera clairement la question de la capacité du monde à limiter le réchauffement de la planète à +1,5 °C par rapport à l’ère pré-industrielle. Pour rappel, la COP 21 à Paris visait à réduire de moitié les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 et à les ramener à zéro d’ici à 2050.

En tant que président de cette prochaine grande réunion des Etats, le Premier ministre britannique Boris Johnson exhorte les dirigeants mondiaux à réaliser un plan accéléré de réduction des émissions nocives. Ce rapport est un « avertissement brutal que l‘activité humaine endommage la planète à un rythme alarmant », a-t-il commenté. Le rapport publié aujourd’hui est une « lecture qui donne à réfléchir », a-t-il souligné, et « j’espère qu’il incitera le monde à agir ».

Il ne suffit donc plus de lire les rapports et d’attendre le suivant qui alertera encore davantage. Les médias ont tous titré qu’on était dans le rouge. Il est donc urgent d’agir. La balle est certainement dans le camp des décideurs mais aussi de tout un chacun. C’est exactement ce que concluent les experts du groupe I du GIEC: « Les actions humaines ont encore le potentiel de déterminer la course pour le climat futur ». 

Nancy GOETHALS  

(1) Sur la Plateforme wallonne pour le GIEC. On y trouve une présentation en français du 6e rapport et aussi, entre autres, une lettre d’information qui aborde de nombreux aspects des changements climatiques, de leurs impacts et des moyens de limiter leur aggravation future.