A Jemappes (Mons), Flore et Emmanuel mettent leur façon de consommer en question chaque jour. Pour éviter les achats inutiles et surtout les déchets inutiles. Ils réfléchissent aussi à l’impact social des produits qui passent le seuil de leur maison. Pour eux, l’Eglise a son rôle à jouer dans cette démarche défendue par le pape François et son encyclique Laudato Si’.
Flore et Emmanuel, parents de trois enfants, sont engagés depuis plusieurs années déjà vers le zéro déchet. Écologie, attention à l’impact de leur consommation sur l’environnement mais aussi réflexion sur les conséquences sociales de leurs achats quotidiens, tous ces éléments germaient peut-être déjà un peu en eux alors qu’ils étaient étudiants à Tournai et fréquentaient le kot chrétien Siloë. Depuis, petit geste par petit geste, ils essaient de réduire au maximum la production de déchets pour être en accord avec leurs valeurs. Et en rêvant d’une vie évangélique de plus en plus verte…
« Concrètement, le zéro déchet, c’est anticiper tous ses achats », explique Flore. « Aller faire ses courses avec des contenants : on prend son sac à baguette, des boîtes pour le fromage,… pour vraiment refuser au maximum tout déchet. Parce que tous les déchets qui vont rentrer dans la maison, il faudra les faire sortir. Il y a un principe de ‘couper le robinet’. Principalement au niveau des emballages en plastique mais aussi au niveau des emballages recyclables. Par exemple le plastique n’est pas 100% recyclable, pour faire du plastique il faut ajouter du nouveau plastique et on ne peut mettre qu’une petite partie de produit recyclé. »
Se montrer inventif
Réduire ses déchets, c’est donc une question d’organisation et d’anticipation. Mais cela incite aussi à faire preuve de débrouillardise et de créativité ! « Dernièrement, notre batteur électrique nous a fait faux bond », raconte Emmanuel. « On s’est dit qu’on allait devoir en racheter un… On a différé notre achat, et puis Flore un soir me dit ‘J’ai trouvé la solution. On a une visseuse-perceuse, on n’a qu’à mettre le batteur dessus et le moteur fera l’affaire’. Donc on a testé, et ça fonctionne très bien. »
Au quotidien, une telle démarche demande de la réflexion, de l’énergie et est parfois contraignante. Alors comment la faire comprendre à son entourage, comment l’inciter à ne pas entraver ces efforts quotidiens par des achats ou des cadeaux sources de déchets ? « Parfois on a l’impression d’être un peu dans un autre monde, qu’il n’y a même pas une compréhension au niveau de la démarche », reconnaît Flore. « Mais d’autres fois, cela intéresse. Je le vois avec mon frère et ma sœur, ça nourrit leur propre réflexion et eux nourrissent la mienne, il y a un réel échange autour de ça. »
Témoigner par l’exemple
Emmanuel, qui a étudié les sciences religieuses à l’Institut Supérieur de Théologie du Diocèse de Tournai, est aujourd’hui professeur de religion dans un établissement secondaire montois. S’il a parfois l’occasion d’aborder le sujet de manière indirecte lors de conversations ou en s’appuyant sur les textes étudiés en classe avec ses élèves, il n’en fait pas du tout un cheval de bataille : « Je n’aime pas du tout faire des discours à des jeunes qui devraient m’écouter et entre guillemets m’obéir, je pense que ce serait contre-productif. Mais à travers ma manière de vivre, de regarder les choses, à travers aussi les thématiques abordées en classe, il y a un échange qui peut se passer, toujours dans le respect, sans juger les autres. »
C’est le même esprit d’ouverture qui anime Flore et Emmanuel envers leurs propres enfants. Pas de grands discours théoriques mais de simples habitudes au quotidien, vues comme des opportunités. Comme lorsque la famille se rend à la bibliothèque ou à la ludothèque et peut ainsi choisir parmi des milliers de livres et de jeux chaque semaine plutôt que d’en acheter un de temps en temps.
Ou encore avec les enfants qu’ils prennent parfois en charge pour quelques jours ou quelques semaines, en tant que famille d’accueil d’urgence (*). « Quand on accueille un enfant, à la fois on respecte nos valeurs, par exemple en lui mettant des langes lavables comme on l’a fait avec nos enfants, mais ce n’est pas la priorité de penser au zéro déchet », insiste Flore. « La priorité, c’est vraiment l’accueil et le bien-être de l’enfant. Cela fait rire les nôtres car on achète parfois des produits qu’on n’aurait pas achetés en temps normal. »
Vivre en frères
S’ils ne sont pas des militants farouches de la cause zéro déchet vis-à-vis des gens qu’ils rencontrent, Flore et Emmanuel ne tentent pas moins de faire sortir leurs valeurs de respect de la maison commune à l’extérieur. Quand ils ont pris en charge pendant quelques temps l’organisation d’apéros dans leur paroisse, par exemple, ils ont tout mis en œuvre pour que ces moments de convivialité ne produisent pas de déchets inutiles.
Il y a quelques années, le couple a participé à un camp-retraite des familles auprès de la fraternité de Tibériade, dont le thème était l’encyclique Laudato Si’ du pape François. « On s’est rendus compte, nous qui étions déjà sensibilisés à la question, que d’autres familles ne voyaient pas de lien entre la foi et le respect de l’environnement », souligne Emmanuel. « Ce camp a été l’occasion de creuser la question, et on a pu échanger, partager nos solutions, avec bienveillance. Tout le monde était en chantier vers plus de respect environnemental. »
Pour Emmanuel, l’Eglise a son rôle à jouer : « Plus que de donner un point de vue, c’est d’un témoignage dont les gens ont besoin. L’Eglise doit encourager mais aussi s’engager, sinon ça ne sera pas crédible. Laudato Si’ nous pousse à vraiment agir, ce n’est pas un discours, ce sont des actions concrètes qui nous permettent de vivre en frères. Je pense que c’est une intuition du pape François qu’on doit appliquer au jour le jour. »
Agnès MICHEL
- Pour écouter ces interviews dans leur intégralité, découvrez ci-dessous le podcast de notre émission radio « Près de chez vous en Hainaut », diffusée sur 1RCF.
(*) Pour devenir famille d’accueil de court, moyen ou long terme : https://familledaccueil.be/
Pour devenir famille d’accueil d’urgence : https://aafu.be/