Avant d’entrer dans la joie de la Bonne Nouvelle de la Résurrection, c’est la mort qui plane, comme un échec. Dans leur vie, des femmes et des hommes se retrouvent aussi face à un deuil et à devoir trouver un nouvel équilibre. C’est le cas de Marie qui a vécu « le passage météorite d’un enfant ». Dans la prolongation du dossier paru dans Dimanche n°14 (De l’épreuve à la Résurrection), Cathobel vous invite ce samedi à découvrir le besoin de se recentrer sur l’essentiel et sur soi-même avant d’aller vers les autres.
Marie n’est ni tout à fait la même ni vraiment différente depuis le décès de Gatien, peu après sa naissance, il y a huit ans. « Mon petit garçon a vécu si peu de temps, il n’est pas rentré avec nous à la maison », regrette-t-elle. « Il n’a presque pas laissé de traces », ajoute cette maman de trois enfants, Gatien étant le dernier. Voilà qui motive son changement tant professionnel que personnel: « J’avais profondément envie de laisser une trace pour lui ! »
Dans sa vie avant le passage « météorite » de Gatien sur terre (selon l’expression de Marie, sa mère), elle était maman au foyer. Initialement elle exerçait le métier de psychothérapeute ainsi qu’une activité d’accompagnement de parents endeuillés. C’était dur pour elle qui était déjà maman d’entendre le témoignage de ceux et celles qui vivent ce drame. Elle et son mari avaient alors décidé qu’elle arrêterait son travail, très stressant, pour élever sereinement ses enfants. Au moment de l’arrivée de Gatien, son aînée avait 6 ans et le cadet 2 ans.
Depuis longtemps, Marie est passionnée par la fabrication de bijoux fantaisie. « J’utilise une technique spécifique apprise à Venise qui évoque une dentelle de perles », raconte-t-elle en joignant le geste à la parole. Il s’agit d’enfiler et de relier de minuscules perles, ce qui demande d’adopter un rythme lent et apaisant. « Je peux passer un après-midi pour créer un motif d’un centimètre », confie cette maman. La création de bijoux, comme la couture et le bricolage, se sont trouvés être des occupations utiles pour « faire des choses avec les mains », après le décès de Gatien. « Je voulais montrer à mes proches que je n’étais plus la même parce qu’il était passé dans ma vie. »
Concentrée sur le présent
Dans le cadre d’un emploi d’éducatrice, elle fait un stage de création artistique avec des matériaux recyclés. « Beaucoup d’émotions se sont exprimées », se souvient Marie. Elle a l’idée de faire transparaître la lumière de Gatien par les espaces ouverts d’un photophore, par exemple. Le deuil est un processus qui isole, alors que la personne endeuillée aurait besoin d’être entourée. La création de bijoux lui a permis de se ressourcer en énergie, et de se concentrer sur le moment présent. A l’inverse, « les moments où je suis connectée avec les évènements vécus, comme les dates anniversaires par exemple, sont difficiles à traverser. J’ai dû apprendre à faire du surf dans l’océan », constate-t-elle par rapport aux différents courants d’émotions qui la submergent.
De son expérience, Marie retient: « La mort d’un enfant correspond à une amputation. Le membre amputé ne repousse jamais. On apprend à trouver un nouveau centre de gravité, et on atteint un nouvel équilibre en intégrant le chemin déjà parcouru depuis le deuil. » Pour elle, s’occuper des autres reste une priorité dans sa vie, mais elle apprend petit à petit à mettre des limites pour préserver quelques forces. « J’ai été obligée d’aller chercher au fond de moi des ressources que je ne pensais même pas avoir », reconnaît-elle.
AF de Beaudrap