A l’occasion de la journée internationale des personnes en situation de handicap, ce 3 décembre, la Ligue des familles s’est penchée sur l’endroit où tout commence: l’école. Près de 38 000 enfants sont scolarisés dans l’enseignement spécialisé en Fédération Wallonie-Bruxelles – soit 4,1% des enfants alors que la moyenne européenne est d’1,54%.
Ces 38 000 élèves présentent des besoins spécifiques de tous types : des handicaps lourds mais aussi des troubles de l’apprentissage plus légers que les écoles ordinaires ne savent pas prendre en charge à l’heure actuelle. Les parents concernés demandent avec insistance de mettre fin à cette ségrégation et d’inclure tous les enfants dans l’enseignement ordinaire, à condition évidemment que nos écoles s’adaptent à ces enfants. C’est aussi un objectif largement partagé par le monde politique, souvent repris dans les programmes électoraux et les accords de gouvernement, mais la concrétisation peine à suivre. Le Pacte pour un enseignement d’excellence aborde bien la question, mais de manière trop vague, voire incohérente.
La Ligue des familles a réalisé une étude qui définit les étapes concrètes à franchir et un échéancier possible afin que l’enseignement inclusif ne soit plus un grand objectif à long terme, qui parait presque inatteignable tant il est ambitieux, mais bien, un peu plus chaque année, une réalité pour nos enfants.
Entre autres, l'association de défense des familles constate que la Belgique ne remplit pas ses engagements internationaux à garantir l’éducation des enfants par le biais d’un système éducatif inclusif à tous les niveaux d’enseignement. En principe, les parents peuvent inscrire leur enfant dans n’importe quelle école, mais sur le terrain, les enfants handicapés sont quasi-exclusivement scolarisés dans l’enseignement spécialisé.
Adapter l'école et non l'enfant
La Ligue des Familles regrette par ailleurs que les enfants qui ne répondent pas aux exigences de l’école – en raison de leur handicap - soient quasi-automatiquement dirigés vers l’enseignement spécialisé. Le "vivre ensemble" est ainsi mis de côté.
Néanmoins, certains enfants bénéficient du mécanisme de l’intégration, c’est-à-dire qu’ils sont inscrits dans l’enseignement spécialisé mais qu’ils peuvent suivre des cours dans l’enseignement ordinaire. L’enfant doit alors s’adapter à l’école ordinaire. Il ne s’agit pas d’une réelle inclusion de l’élève dans l’enseignement ordinaire car ni la façon d’enseigner ni la manière d’organiser l’école ne sont adaptées aux besoins de chaque enfant . Pour la Ligue des familles, c’est à l’école de s’adapter à l’enfant, et non l’inverse.
Enfin, les écoles ordinaires remplissent très rarement l'obligation de mettre en place des aménagements raisonnables pour permettre l'inclusion. Ces aménagements sont par exemple une interprétation en langue des signes durant les cours, un support de cours en braille, la présence d’un enseignant de soutien, la construction d’une rampe d’accès pour accéder aux locaux, la mise à disposition d’un outil numérique, etc.
Le droit à l'enseignement ordinaire
Beaucoup de parents ignorent leur droit de demander à une école ordinaire de mettre en place des mesures concrètes pour permettre à leur enfant en situation de handicap d’être scolarisé dans l’école de leur choix. Les informations précises à ce sujet ne sont pas suffisamment accessibles et les parents sont généralement 'invités' à se tourner vers le spécialisé.
Pour ceux qui connaissent ce droit, il reste la difficulté à obtenir ces aménagements. Ils doivent dès lors se tourner vers l’enseignement spécialisé. Force est de constater que très peu de parents sollicitent une procédure de conciliation auprès du Service de la Médiation scolaire ou introduisent un recours auprès de la Commission de l’enseignement obligatoire inclusif. C'est pareil pour la procédure judiciaire car elle ne permet pas de scolariser rapidement son enfant vu la lenteur de la justice.
Pourtant, plusieurs pays européens ont réussi le passage complet à l'école inclusive. Et ce depuis plusieurs décennies.
La Ligue des familles regrette donc le manque d'ambition du Pacte pour un enseignement d’excellence. Et elle souligne même "une incohérence qui ne tranche pas clairement en faveur de l’inclusion de tous les élèves dans l’enseignement ordinaire". Elle propose de se fixer un objectif d'inclusion totale pour 2040. Pour cela, elle demande de réaliser un cadastre des besoins spécifiques des élèves en Fédération Wallonie Bruxelles afin de calculer le budget nécessaire au développement de l'école inclusive.
Un des enjeux clés de la transformation de l’école repose sur la formation des enseignants. La Ligue estime nécessaire d’avoir des enseignants capables de gérer la diversité dans une classe : trouble du langage écrit ou oral, trouble du comportement, hyperactivité, déficience intellectuelle, autisme, troubles moteurs, troubles auditifs ou visuels, trisomie, etc.
La feuille de route de la Ligue des Familles demande donc d'organiser une campagne de sensibilisation à l’école inclusive, d'augmenter l’encadrement dans l’enseignement ordinaire, d'instaurer des classes de répit, de fermer les écoles spécialisées et réaffecter leur personnel vers l’enseignement ordinaire et vers les pôles territoriaux. L'association insiste pour que les moyens actuellement mis à disposition de l’enseignement spécialisé soient alloués à cet enseignement inclusif.
Fort de ce travail de recherche et de consultation des acteurs de terrain, la Ligue annonce qu'elle va interpeller le monde politique afin d’obtenir la mise en chantier de l'école inclusive. A cet effet, elle va communiquer les résultats de cette étude à la Ministre de l’Éducation et aux députés de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Elle demande qu’une concertation soit organisée afin de concrétiser les mesures essentielles à la réussite de ce projet. Les associations de défenses des personnes handicapées devront être pleinement associées à cette concertation.
NG avec CP
Pour connaître le détail des constats et mesures, le communiqué complet de la Ligue des Famillles est disponible Résumé - Stop à l'exclusion des enfants en situation de handicap de notre enseignement