Si la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens est un peu la "semaine sainte" de l’œcuménisme en Belgique, le Comité Interecclésial de Bruxelles (CIB), en soutenant d’autres initiatives, œuvre à ce que l’œcuménisme ne reste pas lettre morte le reste de l’année. Entretien avec l’abbé Michel Rongvaux, président du CIB.
Créé dans les années 1960, porté par des pasteurs et des laïcs de différentes confessions chrétiennes, le CIB poursuit aujourd’hui encore sa mission. Son président, l’abbé Michel Rongvaux, nous éclaire sur l’état actuel de l’œcuménisme en Belgique.
Célébrer ensemble
Le CIB publie chaque année une brochure trilingue afin d’aider les communautés et paroisses à vivre ensemble des célébrations œcuméniques. Il organise également une célébration œcuménique annuelle dans l’archevêché de Malines-Bruxelles. "Nous tenons beaucoup à cette ‘visitation’ annuelle car nous changeons de lieu chaque année pour aller à la rencontre des différentes confessions chrétiennes." Toutefois, célébrer ensemble demande quelques ajustements. Pour autant, une célébration œcuménique, nous avertit l’abbé Rongvaux, "ce n’est pas un fourre-tout". Mais l’occasion de découvrir des biens propres à chacun; sans ce respect mutuel, cela deviendrait artificiel, assure l’abbé. Lors d’une cérémonie œcuménique, le prédicateur n’est pas celui de l’église qui accueille et les intentions sont lues par des représentants des autres confessions. La célébration se clôture par un temps de partage et de convivialité, autour d’un verre. Une place importante est aussi accordée à l’action concrète, sous la forme d’un partage œcuménique pour soutenir une œuvre; cette année, le choix s’est porté sur une Maison d’espoir (protestante) qui vient en aide aux réfugiés.
Un échange de dons
Cependant, ceci n’est que la partie visible de l’iceberg. En effet, tout au long de l’année, le CIB est sollicité par des communautés ou paroisses. Des colloques sont également mis sur pied, pour discuter, entre confessions, de questions pastorales mais aussi éthiques et/ou sociétales complexes telles que l’euthanasie. A partir de février, le CIB aimerait pouvoir établir une liste de propositions, temps de prière ou de partage biblique, propres à chaque confession mais ouverts à tous, dans un esprit d’accueil, avec quelques explications utiles pour les non-initiés. "L’important, c’est de montrer que l’on fait des choses ensemble entre chrétiens", insiste Michel Rongvaux pour qui la dynamique œcuménique n’est rien de moins qu’un échange de dons entre confessions chrétiennes.
Des instances de dialogue
En matière d’œcuménisme, le CIB n’est pas un acteur isolé. Le dialogue oecuménique est également mené par une Commission Nationale Catholique pour l’œcuménisme dont le travail ordinaire est exécuté par un Bureau, comprenant un représentant de chacun des diocèses de Belgique ainsi que des experts. Ce Bureau se réunit quatre fois par an. L’évêque référendaire pour l’œcuménisme en Belgique est Mgr Johan Bonny, évêque d’Anvers. Cette commission comprend également des sous-commissions pour chaque confession. Notons aussi que sont d’abord privilégiées les relations bilatérales avec chacun. Et qu’en Belgique, mais ailleurs aussi, l’œcuménisme comprend également le dialogue avec le monde juif, en raison du socle de révélation commun. Autre organe à œuvrer au développement de l’œcuménisme dans notre pays est la Concertation des Eglises chrétiennes de Belgique. Il ne s’agit pas d’un conseil - comme dans d’autres pays - car cette forme juridique aurait été trop contraignante dans le contexte belge.
Initiative catholique
Se pose alors une question: comment gérer, en interne, les fractures existant au sein de chacune des confessions? comment collaborer quand, en leur sein, celles-ci connaissent aussi des divisions? "Nous rencontrons des problèmes comme dans toutes les familles, explique Michel Rongvaux, nous sommes tous blessés et il nous faut guérir ses blessures, ensemble, pour créer du lien, retrouver ce lien et cette communion entre nous" mais d’ajouter, lucide, "évidement, ce n’est pas gagné d’avance". L’œcuménisme demande donc du courage et un certain labeur, face à la diversité et la complexité croissante dans la sphère chrétienne (par exemple chez les orthodoxes avec la naissance d’Eglises nationales fortement politisées). Malgré les reproches parfois formulés, "il est important que l’initiative soit catholique car chacun peut alors répondre positivement à l’invitation". Parce qu’ils entretiennent des rapports égaux avec chacune des confessions chrétiennes, les catholiques peuvent ainsi faire le lien entre elles; "c’est une grâce que nous avons reçue de pouvoir rassembler", souligne Michel Rongvaux pour qui "l’œcuménisme n’est pas dépassé". Aujourd’hui plus qu’hier, "il nous faut mieux nous connaître pour approfondir notre propre connaissance de nous-même, et celle des autres confessions, pour être ensemble et se parler".
Absence de vision
"L’œcuménisme, c’est une partie de l’Eglise catholique", une frange active dans certains milieux, ouverts au dialogue et à la rencontre. Les jeunes générations se posent aussi moins de questions. "Quelque chose de l’œuvre œcuménique est déjà acquis pour eux et on ne peut pas revenir en arrière", se réjouit Michel Rongvaux. Pour le reste, les outils manquent cruellement pour mesurer l’impact et l’étendue des initiatives œcuméniques en Belgique, depuis plus de quarante ans. Difficulté surtout, précise l’abbé Rongvaux, de "faire remonter les informations" de chaque diocèse. Et de soulever la question des moyens investis dans le dialogue œcuménique. L’Eglise de Belgique est-elle prête à mettre les moyens nécessaires au service du dialogue chrétien? "Certains se sentent encore menacés par les démarches œcuméniques, confie l’abbé Rongvaux, et nous mettent des freins." Pourtant, les occasions de collaborer sont nombreuses. "On peut travailler sur tellement de sujets comme la charité, la formation, on ne va pas encore assez loin", regrette l’abbé. Investir des moyens dans la communication, telle serait la priorité. "Notre but est d’inscrire l’œcuménisme comme une réalité. Ce n’est pas un projet en plus, l’œcuménisme est au cœur de la foi chrétienne." Au-delà de la semaine de prière en janvier, l’objectif du CIB est de parvenir à insérer l’œcuménisme dans les dynamiques pastorales catholiques. Parce que, dans les faits, nous sommes confrontés aux mêmes problématiques (pénurie de pasteurs, absence des jeunes...) alors pourquoi ne pas trouver des solutions ensemble, s’interroge l’abbé Rongvaux.
Quel avenir pour l’œcuménisme?
Pour continuer à faire vivre l’œcuménisme en Belgique, Michel Rongvaux suggère la création d’un catéchisme œcuménique, "on peut parler du Christ ensemble", affirme-t-il en mentionnant l’exemple des parcours Alpha qui existent dans toutes les confessions, un "bel exemple d’outils commun". "On a avancé, je garde l’espoir d’une pleine communion entre chrétiens mais le temps n’est pas encore venu." Un premier pas serait d’aller les uns chez les autres, nous conseille-t-il. D’où l’idée, ou plutôt le rêve, de créer une carte virtuelle pour localiser tous les offices chrétiens dans une même région, "pour simplement savoir qu’il y a des autres près de chez soi" et parfois franchir leur porte. "Il faut arrêter de faire des papiers et privilégier les rencontres", estime l’abbé Rongvaux. Se rencontrer parce que "c’est une grâce de recevoir des autres."
Sophie DELHALLE
Dates des événements et célébrations oecuméniques
Photo de couverture: Célébration oecuménique à Bruxelles (c) Service communication du Vicariat de Bruxelles