Ensemble et différents : un signe des temps?


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Ensemble et différents : un signe des temps?
Par Service Communication Evêché de Tournai
Publié le - Modifié le
4 min

Près de 120 personnes ont participé ce 28 novembre à une journée de réflexion et de formation organisée à Mons par le Service pastoral des migrations (SPM). Des conférences et des ateliers ont permis de mieux comprendre le phénomène migratoire, de se confronter à des chiffres souvent mal connus et de se mettre quelques instants dans la peau de ces personnes sur les routes de l'errance.

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Avant des activités plus ludiques et participatives au cours de l'après-midi, place le matin à la « théorie » avec trois courtes conférences abordant chacune un point de vue sur les migrations. Car pour appréhender un phénomène aussi complexe et surtout aussi sensible dans le monde d'aujourd'hui, il faut avant tout savoir de quoi l'on parle, se pencher sur l'histoire et disposer d'informations fiables.

Bonaventure Kagné, originaire du Cameroun, qui a étudié le droit public, les sciences politiques et administration publique ainsi que les relations internationales et la politique européenne, est retourné très loin dans le passé : « De tous temps les hommes ont migré. Dès l'apparition de la bipédie, la dispersion a commencé dans le continent africain. Les premières migrations se sont faites à pied, le long des côtes et des rivières. » Le conférencier a alors passé en revue l'expansion territoriale dans le monde romain, les invasions germaniques, la découverte des Amériques qui a entraîné des migrations forcées, les empires coloniaux ou encore les migrations européennes massives du 19e siècle, notamment vers les Etats-Unis et le Canada.

Au-delà de l'histoire, Bonaventure Kagné s'est aussi interrogé avec les participants sur la notion de frontière, inséparable de celle du migrant qui les traverse. Qui est migrant et qui ne l'est pas ? Selon que l'on se déplace pour raisons professionnelles, touristiques ou pour fuir un pays en guerre, les termes et le regard changent...

Et dans la Bible ?

André Wénin, prêtre, bibliste et théologien, s'est pour sa part penché sur l'Ancien Testament. « L'Israël biblique est positif envers l'étranger car lui-même se considère comme étrange, étranger. » Nation sainte, peuple élu par Dieu, Israël est amené à vivre son étrangeté non comme un privilège mais comme un service. « Etre élu c'est préférer la loi de Dieu à la convoitise qui déstructure les relations humaines, sème la mort, entraîne la domination et la violence. Etre élu n'est pas une différence ethnique mais éthique. »

Passionné et engagé, l'avocat français Christophe Deltombe, président d'Emmaüs France de 2007 à 2013 et de l'association militante 'La Cimade' depuis 2018, fustige des politiques européennes basées sur l'hostilité qui ne parviennent pas à canaliser la montée des mouvements populistes et extrémistes. « Il y a environ 260 millions de migrants dans le monde, dont 80% se déplacent dans leur pays ou dans des pays voisins. En Europe, il y a à peine 550.000 migrants sur une population de plus de 500 millions, ce qui est ridicule. Pourtant, l'Europe devient une citadelle et ne cesse d'augmenter ses budgets de protection et de gestion des frontières. »

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De gauche à droite, Christophe Deltombe, Bonaventure Kagné et André Wénin

Une Europe hors-la-loi

Les chiffres cités par l'orateur français donnent le tournis et la nausée. 15.000 personnes se sont noyées dans la Méditerranée depuis 2014, soit une personne sur sept qui tentent de traverser. D'autres périssent dans les Alpes, traversées de nuit, parfois en baskets et en T-shirt. Le taux de mortalité augmente au fur et à mesure du renforcement du système policier.

Christophe Deltombe dénonce une Europe qui a laissé l'Italie seule face aux arrivées massives sur ses côtes, et a ainsi permis l'émergence d'un Matteao Salvini ; qui a imposé à des pays traditionnellement hospitaliers de protéger leurs frontières avec à l'appui de fortes compensations financières (parallèlement à la diminution des budgets d'aide au développement) ; qui passe des accords honteux avec la Libye ou la Turquie ; qui perpétue un règlement de Dublin dévastateur et cruel pour les personnes qui se déplacent, les ballottant d'un pays à l'autre sans espoir.

Bref, une Europe qui se met hors-la-loi en bafouant ses propres valeurs, les droits de l'Homme, la démocratie, l'esprit de solidarité. « Il faudrait un système de demande d'asile commun en Europe, géré par un organisme indépendant du pouvoir politique. Et surtout, il faudrait aussi tenir compte du désir des personnes. » Parce que se déplacer, aller ailleurs pour s'épanouir, construire une vie meilleure, réaliser ses rêves, partager sa richesse culturelle, est-ce qu'il ne s'agit pas d'une liberté fondamentale pour tout être humain ?


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