« Crossroads », une exposition qui contre les idées reçues. Non, le haut Moyen Age n’est pas composé de seuls barbares sanguinaires. Oui, le raffinement y avait cours, comme en témoignent notamment des objets sauvés et venus jusqu’à nous.
Pour certains, le haut Moyen Age débute à la chute de l’empire romain, en 476, et se termine en 987, lors de la montée sur le trône d’Hugues Capet, premier roi des Francs. Les concepteurs de l’exposition ont, quant à eux, privilégié l’Antiquité tardive (vers 300) jusqu’à l’an 1000. Quoi qu’il en soit, les similitudes avec notre époque sont nombreuses, parmi lesquelles une instabilité géopolitique et des changements climatiques. De nos jours, la fin de l’empire romain est d’ailleurs régulièrement évoquée dans de sombres parallélismes souvent dictés par la peur. Le choix du nom de cette exposition consacrée à une période historique fondatrice ne doit rien au hasard, puisqu’il s’agit de… « Crossroads » (Carrefours).
Une mise en scène magistrale
L’immersion dans une autre réalité est immédiate et le visiteur plongé loin de ses certitudes. D’emblée, l’obscurité et des bruits étranges se conjuguent pour créer une atmosphère mystérieuse, où la maison apparaît comme un abri, utile et rassurant. La mise en scène de « Crossroads » est remarquable, avec des reconstitutions grandeur nature. Ainsi, un drakkar (bateau des Vikings) ou une chambre funéraire donnent-ils à méditer. Les visiteurs sont conquis par cette approche muséale qui place les faits historiques en perspective. Un étudiant passionné du Moyen Age confie son enthousiasme: « c’est vraiment une autre façon de présenter l’histoire. D’ailleurs, il y a des coins pour les enfants, avec des jeux bien conçus. J’aurais adoré visiter une expo comme celle-là plus jeune ». Contrairement à la plupart des expositions temporaires, il n’y a pas d’audioguide, mais des notices explicatives et un carnet dense. Chacun suit son propre chemin dans les salles, au détour des croisements colorés. Et la symbolique se trouve là, dans ces carrefours à privilégier ou éviter, selon les aspirations des uns et des autres.
Le respect des ancêtres
Le contenu des tombes est précieux en enseignements. En effet, homme ou femme, fortuné ou miséreux, jeune ou âgé… Bon nombre d’informations transitent au creux des édifices funéraires et du mobilier rescapé. Les parchemins livrent aussi des indications utiles et quelquefois émouvantes pour le visiteur qui les contemple, plus de mille ans après leur production. On le sait, les moines copistes ont joué un rôle crucial dans la diffusion et même la survie de certaines œuvres profanes de l’Antiquité, tandis que le recours aux reliques s’est généralisé pour soutenir et personnaliser la prière dévolue aux saints. Durant cette période, un triple culte monothéiste s’est imposé parmi les populations et des communautés religieuses érudites se sont installées auprès des dirigeants religieux. Parmi les merveilles présentées, citons un trône épiscopal en ivoire, le sarcophage-reliquaire d’Amay, de précieux manuscrits enluminés, un fragment de parchemin d’écriture copte, un exemplaire de « L’Enéide » de Virgile… Un hommage est également rendu à la « dame de Grez-Doiceau », dont la tombe recèle de multiples objets de l’époque mérovingienne. Et le saviez-vous, c’est Isidore, archevêque de Séville et docteur de l’Eglise, qui s’est vu décerner le titre de saint patron d’Internet, tant ses connaissances étaient encyclopédiques? Décidément, le savoir n’est pas l’apanage d’une époque!
Angélique TASIAUX
Exposition accessible au Cinquantenaire jusqu’au 29 mars 2020. Infos