Le pape François, les leaders libanais mais aussi le président Macron saluent de concert la mémoire du cardinal Nasrallah Boutros Sfeir, décédé le 12 mai. Il était un « artisan déterminant de rassemblement, de paix et de réconciliation », salue le pontife dans un télégramme de condoléances transmis par le Saint-Siège.
Figure majeure de l’histoire de l’Eglise maronite libanaise et de celle du Liban, le cardinal Sfeir est décédé des suites d’une septicémie, à quelques jours de son 99e anniversaire. Né le 15 mai 1920 à Rayfoun, au Mont-Liban, il fut ordonné prêtre en 1950 après des études suivies notamment au séminaire majeur de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth. Il fut ensuite professeur de littérature et de philosophie arabe et de traduction au collège des Maristes de Jounieh, avant d’être élu en 1961 évêque titulaire de Tarse des maronites et vicaire général pour le patriarcat d’Antioche.
Il avait été élu en 1986 – en pleine guerre civile – à la tête du Patriarcat d’Antioche des maronites, devenant ainsi le 76ème chef spirituel de cette Eglise d’Orient. Il a exercé sa charge durant ving-cinq ans, jusqu’en 2011, année où fut élu son successeur Béchara Raï.
Pour le pape François, le cardinal Sfeir a guidé la communauté maronite avec « autant de douceur que de détermination » et mené sa mission en homme « libre et courageux ». « Ardent défenseur de la souveraineté et de l’indépendance de son pays, il restera une grande figure de l’histoire du Liban », écrit encore l’évêque de Rome.
Dans une notice biographique accompagnant le télégramme du pape François, le Saint-Siège rappelle que le cardinal Sfeir avait reçu la barrette cardinalice des mains du pape Jean Paul II en 1994. De plus, le chef de l’Eglise maronite avait participé à trois assemblées générales du Synode des évêques entre 1986 et 1994. En 1995, il avait été président délégué de l’assemblée spéciale pour le Liban et en 2010, président délégué ad honorem de l’assemblée spéciale pour le Moyen-Orient.
Deux jours de deuil officiel
Dès l’annonce de sa mort, la présidence du Conseil a annoncé que les mercredi 15 et jeudi 16 mai (jour des funérailles du patriarche émérite), seront chômés dans les administrations publiques, les municipalités et les institutions publiques et privées. Pendant ces deux jours de deuil, les drapeaux seront mis en berne dans toutes les administrations. Le secrétaire général des Ecoles catholiques, le Père Boutros Azar, a également décrété la fermeture des établissements scolaires catholiques le 16 mai.
Pour un Liban « basé sur le vivre-ensemble »
Le patriarche Sfeir s’impliqua aussi dans la vie politique du Liban, élevant notamment la voix pour libérer le “pays des Cèdres” de la tutelle syrienne à laquelle il était farouchement opposé. Il fut aussi un acteur très engagé en faveur de la réconciliation entre druzes et chrétiens du Mont Liban, qui s’étaient affrontés dans le cadre de la « guerre de la montagne » qui avait éclaté après le retrait de l’armée israélienne qui avait envahi le Liban en juin 1982.
Les hommages affluent donc de tout le pays pour lui rendre hommage. Le patriarche grec orthodoxe d’Antioche et de tout l’Orient, Jean X Yazigi, a salué la mémoire de ce « pôle chrétien dont la première et ultime obsession était de préserver l’essence du Liban, basée sur le vivre-ensemble ».
Le mufti de la République, le cheikh Abdellatif Deriane, s’est rendu mardi 14 mai à la tête d’une délégation de Dar el-Fatwa, la plus haute instance sunnite du pays, au siège du patriarcat de l’Eglise maronite, à Bkerké, au nord de Beyrouth, afin de présenter ses condoléances. « Le patriarche Sfeir a marqué une page brillante de l’histoire du Liban », a-t-il déclaré, affirmant que « nous nous tenions toujours à ses côtés pour assurer la sauvegarde de la paix nationale et l’unité des Libanais ».
Le cardinal Béchara Boutros Raï a également reçu le même jour le cheikh Akl des druzes, Naim Hassan, à la tête d’une délégation de la communauté, venus présenter les condoléances pour le décès du patriarche Sfeir. Le patriarche maronite actuel a aussi par ailleurs reçu l’ambassadeur syrien à Beyrouth, Ali Abdelkarim Ali, et l’ambassadeur d’Iran, Mohammad Jalal Fairouznia, venus présenter leurs condoléances, rapporte l’Agence nationale d’Information (ANI).
Hommage de l’Elysée
Dans son hommage au patriarche maronite disparu, l’Elysée rappelle que le cardinal Nasrallah Boutros Sfeir, « né l’année même où les autorités françaises proclamèrent l’Etat du Grand Liban en 1920 », n’a cessé de promouvoir le pluralisme, la tolérance et le respect mutuel entre tous les Libanais, quelle que soit leur affiliation confessionnelle ou politique. « Ami sincère de la France, francophone et francophile, il a eu à cœur de maintenir les liens étroits établis de longue date entre notre pays, les communautés chrétiennes et les peuples du Proche-Orient dans toute leur diversité. Il a marqué son temps d’une empreinte profonde », écrit le président français Emmanuel Macron.
P.G. (avec Cath.ch)