Qu’est-ce qui conduit des prisonniers à demander l’euthanasie ?


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Qu’est-ce qui conduit des prisonniers à demander l’euthanasie ?
Par Christophe Herinckx
Journaliste de CathoBel
Publié le - Modifié le
3 min

Vingt-trois détenus ont demandé l’euthanasie entre 2011 et 2017, en Belgique. Si l’on ne connaît pas l’issue de leurs demandes, on sait que deux d’entre eux se trouvaient en phase terminale d’un cancer, tandis que les vingt-et-un autres invoquaient des souffrances psychiques, souvent due à leur longue incarcération.

Quelles souffrances mène des prisonniers à demander l'euthanasie? Caroline Devynck, criminologue à la Vrije Universiteit Brussel (VUB), s’est longuement entretenue avec eux. Elle rapporte qu’ils sont en général condamnés à un emprisonnement de longue durée, et qu’ils considèrent leur situation comme "sans issue". Internés ou emprisonnés, la question est la même: "Que me reste-t-il encore à vivre?". Ils pointent l’absence de perspectives, de contacts sociaux, une vie réduite à une promenade quotidienne ou à regarder la télévision, et des circonstances de vie de plus en plus insupportables, comme le bruit permanent, la mésentente voire la violence entre prisonniers, l’absence de vie privée.

Selon la chercheure, il est frappant de voir comment les événements extérieurs à la prison peuvent les détourner de l’euthanasie. À l’inverse, quand petit à petit les familles, amis ou connaissances ne maintiennent plus le contact avec le prisonnier, celui-ci se trouve alors progressivement isolé et ne voit plus de raison de vivre.

On se souvient de la demande d’euthanasie de Franck Van der Bleeken, demande qu’il avait finalement retirée en obtenant d’être transféré dans un centre psychiatrique offrant de meilleures conditions de vie et de soins. Caroline Devynck a, quant à elle, rencontré un détenu qui, à la suite de leur entretien, a retrouvé un peu d’espoir venant du monde extérieur et a retiré sa demande d’euthanasie. Un autre a avoué avoir demandé l’euthanasie pour, en fait, obtenir un meilleur avocat. Derrière la demande des prisonniers d’en finir, se cache ainsi souvent un appel à l’aide ou à la considération.

Souffrance existentielle

S’il s’agit bien d’une souffrance existentielle, aussi considérée comme "souffrance psychique", les prisonniers concernés entrent plus difficilement dans les conditions pour obtenir l’euthanasie. A la question de savoir s’il y a une lacune dans la loi, Caroline Devynck répond: "La lacune se trouve dans toute la société parce que le soin et la thérapie pour ceux qui souffrent psychiquement ne sont pas accessibles pour tout le monde".

Alors, ne pourrait-on pas pointer les mêmes dysfonctionnements pour les demandes d’euthanasie en dehors du contexte pénitentiaire ? La chercheure établit elle-même un parallèle avec les situations d’extrême dépendance que vivent certaines personnes dans d’autres institutions comme les hôpitaux ou les maisons de repos.

Sans nier les conditions de vie extrêmement pénibles en prison, on retrouve néanmoins les mêmes sujets de souffrance invoqués pour l’euthanasie à l’échelle de l’ensemble de la population: "Parmi les souffrances psychiques sont évoquées la dépendance, la perte d’autonomie, la solitude, la désespérance, la perte de dignité, le désespoir à l’idée de perdre sa capacité à entretenir des contacts sociaux, etc." (Synthèse du Rapport 2018 de la CFCCE sur l’euthanasie).

Source: Institut européen de bioéthique et Knack

Catégorie : Belgique

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