Le Pape François a célébré aujourd’hui, pour la première fois dans l’histoire, une messe pontificale dans la péninsule arabe. Plus de cent mille fidèles s’étaient rassemblés au stade du Zayed Sports City d’Abu Dhabi pour cette célébration historique.
Ils sont fiers de recevoir leur « Pope Francis », les fidèles de Mgr Paul Hinder, le capucin suisse qui est vicaire apostolique pour l’Arabie méridionale. « Pope Francis ! Pope Francis ! Pope Francis ! » scandaient-ils quand la voiture ouverte du Souverain Pontife a commencé son double tour du stade une demi-heure avant le début de l’eucharistie. En anglais ? Oui, en anglais, car les chrétiens aux Émirats Arabes Unis appartiennent tous à la majorité d’expatriés dans le pays. Le million et demi d’autochtones arabes doit en effet sa prospérité en partie aux cette « église de migrants », comme le dit souvent Mgr Hinder.
Il y a presque huit millions « d’expats » au Émirats Arabes Unis. Ils viennent de tous les pays du monde: des Pakistanais, des Indiens, des Bengali, des Indonésiens, etc. Mais les chrétiens à Abu Dhabi ou Dubaï ou dans les autres villes des Émirats sont des Libanais, des Philippins, des Thaïlandais en encore quelques Nigériens ou Ghanéens… ainsi que les milliers d’Européens et Américains qui essaient aussi de gagner leur vie là-bas. La différence entre les Occidentaux aux Émirats d’une part et les travailleurs en provenance de pays asiatiques, c’est que les derniers sont en général pauvres et vivent dans des conditions difficiles. Ils sont là parce qu’ils ne trouvent pas d’avenir digne de ce nom autre part.
Brebis qui ressemblent au pasteur
Malgré toute l’importance qu’avait son voyage en Arabie pour les relations entre chrétiens et musulmans, la messe que François a célébrée ce matin, était avant tout une messe pour les fidèles locaux. «Je suis touché par ce que me confiait un jour votre évêque Hinder», a expliqué le Souverain Pontife pendant son homélie. « Il disait qu’il ne se sent pas seulement votre pasteur, mais que, par l’exemple du vivre-ensemble que vous démontrez ici, vous êtes souvent des pasteurs pour lui. Vous êtes une communauté composée de dizaines de nations, de langues d’origines voir même de différents rites chrétiens. » Le pape faisait référence entre autres à la grande communauté de maronites libanais. «Mais c’est cette diversité qui plait au Saint Esprit ; c’est cette diversité qu’Il essaie de rendre toujours davantage harmonieuse.»
Saint Antoine le Grand
Et en bon pasteur, le Pape François connait aussi les difficultés que vivent les chrétiens des Émirats Arabes Unis. «Il ne doit toujours être évident pour vous de vivre aussi loin de vos terres natales et séparés de ceux qui vous aimez. Peut-être aussi que vous vous faites beaucoup de soucis pour vos avenirs incertains.»
Puis, surprise, le Pape a évoqué la vie de Saint Antoine le Grand, le fondateur du monachisme du désert. « Il avait tout quitté et se retrouvait au désert, éprouvé par les tentations, dans une bataille spirituelle qui ne lui apportait pas la paix recherchée, bien au contraire. Plus tard, après la tourmente, il a interrogé le Seigneur. ‘Où étais-tu et pourquoi ne m’as-tu pas libéré de mes souffrances ?’ Et puis il entendait Jésus répondre : ‘Mais j’étais là, Antoine.’ Car le Seigneur nous est toujours proche, même quand nous croyons qu’Il nous a abandonné. »
La famille fondatrice
Bien évidemment, il y avait aussi des musulmans au stade du Zayed Sports City ; c’était sans doute la première messe pontificale avec des attachées de presse voilées et du personnel de sécurité en qamis blanc (une longue robe) avec un ghutrah (le keffiyeh blanc) et un aqal (la corde qui tient le ghutrah sur la tête). Le gouvernement des Émirats Arabes Unis était représenté par la ministre de la Culture, Madame Noura Bint Mohammed Al Kaabi, et le cheikh Nahyan bin Moubarak Al Nahyan, le ministre de la Tolérance. Ce dernier est un arrière-petit-fils de Zayed le Grand, le cheikh du XIXe siècle dont la tombe (devant laquelle le Pape s’est incliné), est située dans l’énorme mosquée qui porte son nom. Et dès que le Souverain Pontife dans son mot de remerciement citait encore une fois les deux hommes forts du moment, le Président Khalifa bin Zayed Al Nahyan des Émirats et le prince héritier d’Abu Dhabi, le cheikh Mohammed bin Zayed Al Nahyan, les autochtones du pays se mettaient à applaudir avec enthousiasme.
Benoit LANNOO,
envoyé spécial à Abu Dhabi
Photos (© Service presse du Saint-Siège)
Le Pape François arrive au Zayed Sport City à Abu Dhabi avec, à l’arrière-plan, la mosquée de Zayed le Grand qu’il a visitée hier.
Le vicaire apostolique de l’Arabie méridionale Paul Hinder, au début de la messe à Abu Dhabi avec le Pape François.