Le WWF-Belgique vient de présenter au Parlement fédéral un rapport sur le commerce des animaux et des plantes sauvages en Belgique. L'association souhaite mettre les instances face à leurs responsabilités.
Le WWF a donc mandaté l'organisation non gouvernementale TRAFFIC, active dans la conservation de la biodiversité et le développement durable. L'ONG a compilé et analysé les faits et chiffres disponibles sur les espèces couvertes par la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) pour la période 2007-2016. Ceci, afin d’avoir une meilleure compréhension des principaux produits commerciaux, tendances et partenaires impliqués.
Lucre versus biodiversité: quelle priorité?
Le commerce international d’espèces sauvages constitue l’un des marchés les plus lucratifs au monde. Il est l’une des principales causes du déclin spectaculaire des populations d’animaux sauvages. L’Union européenne (UE) constitue un marché et une voie de transit importants pour le commerce légal et illégal des espèces sauvages. Par sa situation centrale, la Belgique occupe également une position clé. Cependant, il y a peu d'informations sur les tendances et le rôle concret de la Belgique dans ce commerce des espèces.
Il apparaît que le commerce légal et le commerce illégal sont très répandus dans notre pays. Le WWF plaide par conséquent pour une approche interministérielle et intersectorielle renforcée dans la lutte contre ce trafic illégal. Les chances de réussite seront, en effet, plus importantes si la question se retrouve en tête des priorités politiques.
Source de revenus pour les groupes armés
Le commerce international des espèces sauvages (animales et végétales) constitue une menace croissante pour la biodiversité, la santé publique et la stabilité socio-économique d’un certain nombre de pays. Par ailleurs, en raison des revenus élevés et des faibles risques, ce commerce illicite figure parmi les dix secteurs criminels transfrontaliers les plus rentables au monde (au même titre que le trafic de marchandises contrefaites, de drogues et d’armes). Le commerce illégal d’espèces est aujourd’hui, avec d'autres formes de criminalité environnementale, la principale source de revenus des groupes armés dans le monde.
Renforcer la lutte
L'Union européenne (UE) constitue un marché et une voie de transit importants pour le commerce légal et illégal d’espèces sauvages, parmi lesquelles des animaux et des plantes CITES. En 2014, les importations d’animaux CITES et de leurs produits ont été estimées à 641 millions d'euros, alors que l’UE en a pour sa part (ré)exporté pour environ 1,1 milliard d'euros. En ce qui concerne la flore CITES, ces chiffres s’élevaient respectivement à 261 et 91 millions. Il est plus difficile d’évaluer la part européenne dans le commerce illicite en raison de son caractère clandestin. INTERPOL et le PNUE (Programme des Nations unies pour l’environnement) parlent cependant d’un chiffre d'affaires annuel mondial se situant entre 4 et 20 milliards d’euros. En 2016, l’UE a adopté un plan d’action invitant les États membres à intensifier leurs efforts pour améliorer l’application de la législation, la coopération et la prévention dans la lutte contre le commerce illégal des espèces.
En raison de sa situation centrale, la Belgique occupe, en Europe, une position clé dans le transport de personnes et de biens. L'aéroport de Zaventem est, pour les vols commerciaux, l’un des 15 aéroports européens les plus fréquentés. Le port d'Anvers se classe au deuxième rang en termes de fret maritime. Des plaques tournantes si fréquentées créent des opportunités tant pour le commerce légal d’espèces sauvages que pour le trafic illégal. Des études antérieures avaient déjà pointé notre pays comme étant un important marché (de transit) illégal pour les espèces CITES, en ce compris pour l’ivoire et les reptiles. En 2016, la Belgique était le troisième importateur de bois en Europe, et, à plusieurs reprises, des constatations de commerce illégal ont été mentionnées.
La responsabilité de la Belgique
L’analyse du commerce légal démontre que la Belgique est un importateur important de produits à base de reptiles en Europe, en particulier de viande de crocodile du Nil (Crocodylus niloticus Laurenti, principalement du Zimbabwe) pour le marché national et/ou européen. La Belgique occupe le deuxième rang pour les importations de produits végétaux, notamment du bois de sciage de teck africain (Pericopsis elata (Harms) Meeuwen, du Cameroun et du Congo) et de l’écorce médicinale du prunier d’Afrique (Prunus africana (Hook.f.) Kalkman). Les autres produits commercialisés en Belgique - ou via celle-ci - sont le caviar, les amphibiens et les sculptures en dents d'hippopotame.
Les données relatives aux saisies indiquent que la Belgique est un acteur (intermédiaire) important dans le commerce illégal des espèces CITES, telles que les plantes médicinales, l’ivoire, les hippocampes et les reptiles. Ces produits, en provenance principalement d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale, transitent sur notre territoire par voie aérienne et par les services postaux vers la Chine. Par ailleurs, il semble y avoir un écart important entre le rôle important de la Belgique en tant qu'importateur de bois et le faible nombre de saisies de bois illégal. Une constatation similaire peut être faite pour l’importation de viande sauvage (« viande de brousse ») en provenance d’Afrique.
Le WWF demande aux autorités belges d’accorder à la lutte contre le commerce illégal des espèces une plus grande priorité dans l'agenda politique en raison de son impact majeur sur la biodiversité et de son lien avec la criminalité internationale. Le commerce des espèces sauvages nécessite une approche interministérielle et intersectorielle. En plus des compétences fédérales et régionales en matière d’environnement et de santé publique, les principales tâches incombent aux autorités douanières, policières et judiciaires.
Afin d'assurer une coopération coordonnée entre toutes les instances compétentes, le WWF réclame l’élaboration et la mise en œuvre d’un plan d'actions national accompagné d’une vision politique à long terme. Ce plan s’inscrira dans la ligne de l’actuel et du futur plan d'action européen (que la Belgique a co-approuvé en 2016). Une telle approche planifiée permettra de mieux encadrer les activités existantes de lutte contre le trafic illégal. En outre, elle assurera leur continuité et leur suivi sur plusieurs cycles politiques. Le plan devra, entre autres, comprendre des actions concernant la concertation et la coopération, la reconnaissance du rôle de la police fédérale, un monitoring transparent, des contrôles plus nombreux et plus efficaces de la part des douanes et des autres services d'inspection ainsi qu’un renforcement du système judiciaire pour améliorer les sanctions.
sources : communiqué WWF - Images © Edward Parker-WWF