Pour la première fois, tous les évêques de Chine sont en communion avec Rome. Un accord provisoire a été signé entre le Saint-Siège et la Chine à propos de la nomination des évêques. Que faut-il en penser?
La volonté de trouver un accord entre le Saint-Siège et la République populaire de Chine a alimenté bien des rumeurs au fil des ans et particulièrement ces derniers mois. C’était un peu comme la procession d’Echternach, à savoir avancer de trois pas pour reculer ensuite de deux. Ou encore comme dans le conte de Charles Perrault, dans lequel l’héroïne, le jeune épouse de Barbe Bleue, que ce dernier s’apprête à exécuter, interroge sa sœur: « Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? », dans l’espoir de voir arriver ses frères pour la sauver. L’accord entre la Chine et le Vatican a souvent été évoqué comme étant proche d’être conclu, avant que l’un ou l’autre des parties fasse marche arrière. Mais cette fois, c’est fait. Du moins provisoirement.
De quoi s’agit-il?
En Chine, les catholiques sont quelque 12 millions pour une population totale de l’ordre de 1,4 milliard d’habitants. Depuis des décennies, les catholiques chinois sont divisés entre une Eglise « patriotique », c’est-à-dire contrôlée par le régime communiste de Pékin et une Eglise clandestine qui ne reconnaissait que l’autorité du pape.
En droit canon, il y a Eglise catholique là où il y a une Eglise locale dans laquelle l’évêque est en communion avec l’évêque de Rome, ceci afin de garantir l’unité “catholique” de l’Église locale. En revanche, si l’évêque n’est pas en communion avec l’évêque de Rome et n’exprime pas une telle communion dans son action quotidienne, de très graves problèmes surgissent. Pour cela, le Droit canonique prévoit de graves sanctions, que ce soit pour l’évêque qui confère l’ordination épiscopale sans mandat apostolique, ou pour celui qui la reçoit. Une telle ordination représente, en effet, une douloureuse blessure pour la communion ecclésiale et une sérieuse violation de la discipline canonique, rappellent les spécialistes du droit canon. C’est ce qui s’est notamment vécu, à une autre échelle, avec la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X de feu Mgr Marcel Lefèbvre. Mais, dans l’empire du Milieu, la tension entre l’Eglise dite patriotique, où les évêques sont nommés par le pouvoir, et celle dite clandestine, qui reconnait l’autorité pontificale, est vive depuis plus de trente ans. Pour le Parti communiste chinois, le contrôle hermétique contre toute influence étrangère a jusqu’ici primé, et aujourd’hui plus que jamais. Pour la papauté, la succession apostolique avec le siège de Rome, qui fait de chaque évêque un successeur de Pierre, n’est pas négociable. Durant trois décennies, toutes les tentatives de rapprochement butaient sur cette question du contrôle et de l’allégeance.
Toutefois, le Saint-Siège a toujours tenté de trouver un terrain d’entente. Un long dialogue a commencé sous le pontificat de saint Jean-Paul II et s’est poursuivi avec Benoît XVI dont la Lettre aux catholiques chinois de 2007 apparaît, pour les observateurs, comme le vrai point de départ de ce processus. Dans le cadre des contacts établis depuis longtemps entre le Saint-Siège et la République populaire de Chine pour traiter des questions ecclésiales d’intérêt commun et pour promouvoir des rapports ultérieurs d’entente, une réunion a eu lieu le 22 septembre 2018, à Pékin. Les représentants du Saint-Siège et de la Chine ont signé un accord provisoire sur la nomination des évêques.
Que prévoit cet accord?
Si on ne connaît pas les termes exacts de cet accord, provisoire rappelons-le, selon certaines sources, les nominations d’évêques procéderont dorénavant de manière conjointe, avec l’assentiment du pape et celui du régime communiste. Reste à savoir quel sera l’impact de cette ouverture historique dans la relation sino-vaticane aura sur la vie de l’Eglise en Chine.
Comme signe de cette volonté de rapprochement, le pape François a décidé de réadmettre dans la pleine communion ecclésiale les évêques “officiels” qui avaient été ordonnés sans mandat pontifical, après une étude attentive et individuelle de chaque cas. François souhaite qu’avec les décisions prises puisse s’ouvrir un nouveau parcours, qui permette de surmonter les blessures du passé en réalisant la pleine communion de tous les catholiques chinois.
Pour le père jésuite Bernd Hagenkord, interrogé par Vatican News, le parcours de la légitimation des évêques chinois ordonnés sans le mandat du pape n’est pas un acte bureaucratique froid, mais « c’est en soi un parcours de discernement sincèrement et profondément ecclésial ».
Dans un «Message aux catholiques chinois et à l’Église universelle», François explique les raisons qui ont porté à la signature de l’Accord provisoire avec la République populaire de Chine: promouvoir l’annonce de l’Evangile et atteindre l’unité de la communauté catholique. S’adressant directement aux catholiques chinois, le Saint-Père reconnait d’emblée le «tourbillon d’opinions et de considérations» qui a marqué ces derniers temps, référence aux rumeurs qui ont circulé sur l’existence et le contenu de l’Accord.
Appel aux fidèles de l’Eglise universelle
Le pape veut rassurer les fidèles chinois, les assurant de sa prière quotidienne et leur exprimant sa «sincère admiration pour le don de fidélité» malgré des «expériences douloureuses».
Pour accompagner les catholiques chinois sur ce nouveau chemin, le pape demande à leurs frères et sœurs de l’Eglise universelle, de prier pour eux. «Le temps est venu de goûter ensemble les fruits authentiques de l’Evangile semé dans le sein de l’antique “Empire du Milieu” et d’élever vers le Seigneur Jésus Christ le cantique de la foi et de l’action de grâce, enrichi de notes authentiquement chinoises», souligne le pape.
J.J.D. (avec Vatican News et agences)
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