Lors d'un évènement mondain liégeois, Eric de Beukelaer croise un responsable politique, laïc et franc-maçon. Après quelques échanges, l'homme en question annonce qu’un de ses collaborateurs part en vacances. Le chanoine se permet alors une plaisanterie qui devait ressembler à ceci : " Vous êtes bien bon d’autoriser des congés, dans l’Eglise, jamais nous ne permettons cela". Ce à quoi l'homme politique aurait répondu avec un sérieux glaçant : "C’est pourquoi vous allez disparaître".
Dans sa tribune, Eric de Beukelaer n'hésite pas à écrire " Instantanément, je saisis l’importance du moment…Ce libre-penseur vient de sortir de son rôle de mandataire public, pour me balancer le fond de sa pensée". Face à l'évidence de certains sur le sort funeste de l'Eglise catholique, "reliquat du passé", "voué(e) à la faillite", que répondre ?
Cette phrase jetée à la figure du chanoine fait surgir dans son esprit et dans celui de bien d'autres probablement le "désarroi de tant de paroissiens grisonnants qui voient leurs enfants et petits-enfants vivre le baptême reçu, sans guère fréquenter l’église de leur quartier". Pour Eric de Beukelaer, elle fait aussi écho au découragement de membres du clergé ou de baptisés laïcs engagés, face à l’érosion de tout un tissu social catholique. D'où cette affirmation : "un certain mode de vie en Eglise est bien en train de mourir sous nos yeux, du moins en Occident". Et cette question : "mort définitive ou trépas en vue d’une résurrection ?"
Voici la réponse détaillée du chanoine : "[...] si le Dieu de Jésus-Christ n’est qu’une illusion née de nos névroses, il est évident que l’Eglise catholique finira par s’effondrer - comme s’est effondrée toute construction historique avant elle. Les pharaons ? Ils ont disparu après trois millénaires. Les empereurs de Chine ? Ils n’ont, eux, duré "que" deux millénaires. L’empire romain d’Occident ? Une existence d’à peine quatre petits siècles… Dès lors, s’il ne s’agit que d’un phénomène humain, le christianisme en général et le catholicisme en particulier, connaîtront leur crépuscule. Par contre, si le Dieu de Jésus-Christ est la Réalité vivifiante qui porte l’univers visible et invisible, alors est vraie la parole du Maître : "sur cette pierre, je bâtirai mon Eglise et les portes du séjour des morts ne pourront rien contre elle" (Matthieu 16, 18). Alors - s’il est humain que l’actuelle révolution sociale bouscule le peuple chrétien, ceci ne doit pas le déstabiliser."
Qu'a donc répondu l'homme de Dieu à l'homme politique ? "Chiche". Avec un large sourire en prime.
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Le regard d'un Jésuite
En France, le débat autour de l'avenir de l'Eglise se pose aussi et en partie structurellement. Rappelons que, en Belgique, la dynamique de regroupement des paroisses en Unités pastorales est déjà bien entamé. Le père Christoph Theobald sj, auteur d'un ouvrage sur les "Urgences pastorales, comprendre, partager, réformer (Bayard), a répondu sur les ondes de Radio Notre-Dame aux questions de Sophie de Villeneuve autour de l'interrogation principale : “La paroisse a-t-elle encore un avenir ?”
Sophie de Villeneuve : Vous vivez depuis une quinzaine d’années dans une paroisse rurale, et vous posez dans votre livre la question des communautés paroissiales. La paroisse a-t-elle encore un avenir dans les campagnes qui manquent de prêtres ?
C. T. : La paroisse est une institution très ancienne. Aujourd’hui, nous sommes des nomades qui bougeons beaucoup, moins peut-être dans les populations rurales. Mais nous logeons quelque part. Jésus vivait en Galilée, et chacun d’entre nous a sa propre Galilée. C'est le principe de l’Incarnation, et l’Eglise y tient beaucoup.
La paroisse était faite pour une communauté de personnes destinées à vivre ensemble toute leur vie en un lieu donné ?
Ce n’est bien sûr plus le cas aujourd’hui. C’est une première brèche dans le principe paroissial, qui ne disparaît pas pour autant. Deuxième principe, la paroisse est un lieu ouvert. Quiconque peut y venir et en partir. On peut donc se dire qu’on pourrait transformer notre Eglise en une Eglise de mouvement, ou de réseaux : le réseau Vie chrétienne, le réseau des fraternités franciscaines, etc. Les personnes se choisissant selon leur spiritualité, on arrive alors à une Eglise très fragmentée, formée de cliques ou de petites sectes. Les sociologues parlent d’ailleurs d’une sectarisation de la tradition catholique aujourd’hui. Ce qui à l’opposé de ce que veut dire « catholique ». Troisième principe, le territoire devient très important dans une société traversée par les questions écologiques. Une Eglise enracinée dans un territoire plus ou moins grand peut prendre en charge de manière très concrète ce que le pape François nous demande dans son encyclique Laudato Si.
Vous voulez dire que la paroisse a encore un sens et un avenir, même si les paroisses se regroupent ?
Bien sûr, à certaines conditions concrètes qu’il nous faut travailler. Quelles sont les conditions d’avenir du principe territorial de l’Eglise locale, paroissiale ? Voilà la vraie question. Je dirais que nos paroisses sont appelées à devenir des communautés missionnaires, des communautés ouvertes, hospitalières. Ce principe d’hospitalité se joue de manière très différente dans les milieux urbain, péri-urbain et rural. Dans les grandes villes, la paroisse est encore à l’échelle du quartier, avec des fêtes de voisinage, des gens qui se retrouvent, qui en ont besoin. Je pense que l’Eglise peut jouer un rôle à ce niveau-là. Dans le milieu rural, les prêtres et les équipes pastorales ont beaucoup de travail en été, avec les fêtes patronales dans les villages, où l’Eglise joue encore un rôle de socialisation. Les enfants et les petits-enfants reviennent sur le territoire familial, les touristes sont là, les gens sont disponibles… On peut organiser des conférences, des concerts, des rencontres, un accompagnement des personnes…
Au cours de cette interview, le père Théobald aborde aussi la question du charisme, "expression de la grâce" divine, de chaque paroissien et de la figure essentielle du prêtre. Un entretien à lire dans son intégralité en cliquant sur ce lien.
S.D. avec La Libre et jesuites.com