Réunis en chapitre général jusqu’au 21 juillet à Econe en Suisse, les membres de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X (FSSPX), ont élu un nouveau supérieur général. Mgr Bernard Fellay, supérieur actuel, donné favori pour être reconduit à la tête des « lefèbvristes » a été évincé.
C’est une surprise. Même si Mgr Fellay, âgé de 60 ans, a été supérieur général de la FSSPX durant deux mandats de douze ans, il était donné favori à sa propre succession. Or, celui qui avait été ordonné évêque par le fondateur de la Fraternité, Mgr Marcel Lefèbvre, et qui l’avait remplacé à la tête des traditionalistes à sa mort, a été évincé au profit d’un jeune abbé italien de 47 ans, Davide Pagliarani (au centre sur la photo). Après avoir accepté sa charge, le nouveau supérieur général a prononcé la Profession de foi et le Serment antimoderniste. Chacun des 41 membres présents est ensuite allé lui promettre respect et obéissance, avant le chant du Te Deum en action de grâces.
Par ce choix émis par deux tiers des participants, c’est clairement la ligne dure de la FSSPX qui l’emporte, d’autant que le nouveau supérieur général aura pour assistants, Mgr Alfonso de Galarreta, évêque auxiliaire de la Fraternité Saint-Pie X, de nationalité espagnole, ainsi que l’abbé Christian Bouchacourt, de nationalité française, actuel supérieur du disctrit de France. Ces trois nouveaux responsables ne cachent pas leur opposition à un rapprochement avec Rome. Ils ont souvent reproché – Mgr de Galarreta en tête – à Mgr Fellay de se montrer trop conciliant et ont critiqué sa volonté de retrouver l’unité avec le Vatican.
De nationalité italienne, le nouveau Supérieur général a été ordonné prêtre par Mgr Fellay, en 1996. L’abbé Davide Pagliarani a exercé son apostolat à Rimini (Italie), puis à Singapour, avant d’être nommé supérieur du district d’Italie. Depuis 2012, il était directeur du Séminaire Notre-Dame Co-rédemptrice de La Reja en Argentine, à la tête duquel il a succé à Mgr Alfonso de Galarreta.
Quant à ses assistants précisément, Mgr Alfonso de Galarreta (61 ans) a été ordonné prêtre en 1980 à Buenos Aires, en Argentine, où il a longtemps vécu. Il a dirigé le Séminaire Notre-Dame Co-redemptrice de La Reja (Argentine), ainsi que la Maison autonome d’Espagne et du Portugal. Il fut second assistant de la FSSPX de 2002 à 2006 et résidait jusqu’à présent à Genève. Le second assistant général élu, Christian Bouchacourt, est âgé de 59 ans et fut ordonné en 1986 par Mgr Lefebvre. Longtemps en poste à Paris, en particulier à Saint-Nicolas du Chardonnet, il fut supérieur du district d’Amérique du Sud, avant d’être nommé en 2014 supérieur du district de France.
Et maintenant?
La fin du règne de Bernard Fellay rend incertaine la relation entre la FSSPX et le Saint-Siège. L’ancien supérieur général avait clairement marqué son intention de renouer le contact, d’autant que le pape François a multiplié les gestes en faveur des intégristes d’Econe. Après la levée par Benoit XVI de l’excommunication dont la FSSPX avait été frappée par le pape saint Jean-Paul II lorsque Mgr Lefèbvre avait ordonné quatre évêques en 1988, créant ainsi un schsime, l’actuel successeur de l’apôtre Pierre avait à l’occasion du Jubilé de la Miséricorde, annoncé que la confession reçue d’un prêtre de la Fraternité Saint-Pie-X était « valide et licite », ce qui n’était pas le cas auparavant. François a maintenu cette décision par la suite, y compris pour les baptêmes et les mariages.
Un semaine avant le début de ce 4e chapitre général de la FSSPX, Mgr Fellay s’était dit optimiste, sur une éventuelle réconciliation entre la Fraternité lefebvriste et le Saint-Siège. Est-ce cela qui lui a coûté sa place à tête de la Fraternité? Certes ces dernières années, Bernard Fellay a dû jouer à l’équilibriste entre la branche dure et anti-Rome incarnée notamment par Mgr de Galarreta et celle des plus modérés qui souhaitent un retour de la Fraternité dans le giron de l’Eglise. Ainsi, fin juin 2016, Mgr Fellay avait prononcé une phrase terrible: « Le pape encourage l’erreur », considérée comme une critique à l’égard de l’Exhortation apostolique Amoris Laetitia sur la famille et en particulier le point consacré aux divorcés remariés, dont l’interprétation est d’ailleurs assez controversée, selon Mgr Guido Pozzo, secrétaire de la Commission pontificale « Ecclesia Dei ». Celle-ci travaille avec acharnement pour trouver un moyen de cette réunification dont la pierre d’achoppement reste le Concile Vatican II combattu par Mgr Lefèbvre, notamment le déclaration Nostra Aetate, sur les relations de l’Eglise avec les religions non chrétiennes. Pour Mgr Pozzo, il n’y avait là rien de neuf sous le soleil : « Certaines de ces déclarations sont prévisibles, dans le sens où ils ont toujours dit cela, et d’autres sont attentistes dans le sens où ils n’entrent pas dans le détail des questions qui font actuellement l’objet des discussions».
Ecarté mais toujours influent?
Quel sera l’avenir pour le successeur de Mgr Lefbèvre au sein de la Fraternité Saint-Pie X. A ce stade, c’est difgficile à dire. Même si le ton devait se durcir davantage avec Rome et que les tentatives de rapprochement subiront sans aucun doute un ralentissement, Mgr Bernard Fellay reste incontournable au sein de la fraternité. Selon des spécialistes des intégristes d’Econe, il devrait garder un rôle important, du moins en coulisses, car son rang d’évêque lui octoie une réelle puissance puisqu’il a dirigé durant près d’un quart de siècle la FSSPX et qu’en plus il conserve la main sur les finances.
Jean-Jacques Durré