Mes parents, tous deux sourds de naissance, ont assisté pendant quarante ans à la messe sans rien y comprendre. Pour moi, ce sont des héros. » Jeune adolescent, Pierre-François commence à signer la messe pour ses parents et ses frères. Depuis bientôt vingt ans, il traduit la messe une fois par mois (le premier dimanche) et les grandes fêtes comme Noël, Pâques… dans la paroisse de la Sainte-Famille à Woluwe-Saint-Lambert. Avec une petite équipe, il a créé l’asbl « Signes de Foi » qui comprend des personnes sourdes, malentendantes, parents d’enfants sourds et entendants. Leur mission est de les accompagner dans leur cheminement religieux, en particulier par l’interprétation des célébrations et la préparation aux sacrements. « Signes de Foi » réalise notamment des ateliers pour apprendre les signes religieux et a même édité une plaquette les reprenant afin de faciliter leur diffusion. Membre de ce groupe, Cécile Bouhy, enseignante, signe les chants pendant la célébration dominicale. Pour les lectures, les traducteurs se relaient. C’est généralement Pierre-François qui signe l’homélie. Pouvoir suivre le texte avec ses oreilles et observer la gestuelle est à mon sens une vraie richesse. Vivre la messe en langue des signes peut donc apporter une réelle « plus-value » aux entendants car ce double langage parlé-signé conduit à une autre forme de compréhension et d’intériorisation des textes. Car, en soi, la liturgie est aussi une langue gestuelle surtout au moment crucial de l’eucharistie. Comme l’exprime si justement René Cerise, ancien directeur de l’Institut Royal pour Sourds et Aveugles à Bruxelles, « selon saint Augustin, qui chante bien prie deux fois. Qui signe bien, prie trois fois ». Rappelons-nous aussi que ce qui nous lie entre chrétiens, c’est avant tout un signe, le signe de la croix.
Sophie DELHALLE