
Lucide, Véronique Gallo a conscience de l’évanescence de la vie.
Comédienne et auteure, la Belge Véronique Gallo est sur tous les fronts. La jeune quadragénaire se livre dans des propos sincères, où elle aborde ses joies et ses peines. Derrière ses sourires se cache une sensibilité à fleur de peau.
Rencontrer Véronique Gallo, c’est retrouver une amie avec laquelle on aime papoter des heures durant, attablées dans la cuisine, en buvant une tasse de café. D’un tempérament direct, elle plonge au cœur des sujets avec franchise, sans faux-semblants. Depuis ses capsules vidéos, elle s’est immiscée dans la vie de bon nombre de mères de famille, qui voient en elle leur alter ego. Oui, Véronique ose raconter des sujets qui fâchent, mais elle se réjouit aussi de toutes ces petites nouvelles qui pimentent la vie. Oui, ses colères doivent être homériques, mais ses accolades sont joyeuses et vraies.
Aux parcours confortables et pétris de certitudes, la liégeoise préfère les destins chahutés, qui affrontent les douleurs et les souffrances à bras le corps plutôt que de les esquiver. Une fois apprivoisées, les blessures lui semblent de multiples occasions d’émerveillement et de changement. Voilà pourquoi elle redoute les zones de confort qui « n’apprennent pas grand’chose sur soi ». Dès la trentaine, la jeune femme a des enfants, un mari, une maison, un boulot passionnant… Et alors? Face à un monde où les convenances l’emportent, elle tente, à tâtons, d’explorer la créativité qui sommeille en elle. Elle publie un récit dédié à sa grand-mère italienne, la Nonna, une femme forte qui a affronté l’alcoolisme et les échecs des hommes de la famille. Cette part d’ombre aurait pu étouffer Véronique. Elle a choisi de l’exhumer et de l’apprivoiser, parce que c’est son histoire, tout simplement. Et si, pendant des années, elle a redouté les excès de boissons pour ses enfants, elle sait aujourd’hui qu’il ne lui appartient pas de décider de leurs choix… La prévention a habité leurs conversations; ils traceront leur chemin loin de ses anciennes peurs.
Des tranches de vie
La comédienne s’est imaginé une vie face à la caméra, où elle raconte ses aventures ordinaires à une psy. La fiction est là pour masquer la réalité et préserver son intimité, car, dans la vraie vie, elle n’a pas quatre enfants, son mari ne s’appelle pas Bertrand ni sa fille Mathilde. Seuls les sentiments évoqués comptent. Et là, la magie de ce projet improbable, et bricolé dans sa maison, opère, puisque le succès est au rendez-vous.
Elle, qui a travaillé de manière isolée pendant des années, peut désormais s’appuyer sur une équipe. Peu lui importe d’être devenue une marque ou un concept de marketing. Elle aime écrire ses textes et les jouer, le reste est confié à son entourage. Elle reconnaît incarner, aux yeux de certains, une représentation de la femme provinciale.
Après une enfance à Liège, Véronique réside aujourd’hui à la campagne, où elle a adopté un mode de vie conventionnel et des habitudes « moins modernes » que celles des citadines. Pourtant, elle aspire, comme elles, à ranger ses casseroles et déléguer la préparation des plats! Il faut reconnaître que des rêves, la quadragénaire en a plein les yeux: vider son sac toutes les semaines chez un(e) psychologue, jouer aux USA, faire du cinéma, s’installer un jour à Paris, disposer de journées allongées de 35h pour avoir plus de temps, etc. Non exhaustive, sa liste grandit au fil de la conversation, pleine de rebondissements.
Une spiritualité luxuriante
Sous des abords joyeux et désinvoltes, Véronique ose évoquer la mort, tellement présente dans sa vie, sans pour autant qu’elle l’espère maintenant. « La mort, c’est un passage vers autre chose, une évolution. Ce n’est pas la fin. » Entourée par la mort depuis son plus jeune âge, elle n’en a pas peur, pas plus que de la vieillesse. Assister un mourant lors de ses derniers moments, Véronique le vit d’ailleurs comme un « cadeau », elle qui a connu à plusieurs reprises cette étape particulière. De là découle probablement sa conception d’un lien particulier entre la mort et la naissance, ces deux extrémités de la vie. L’an dernier, la comédienne est d’ailleurs devenue marraine de l’association PrémaNamur. « Quand j’en aurai marre d’être sur scène, je vais suivre une formation pour me consacrer aux soins palliatifs. »
Véronique se sent accompagnée d’une « armée », elle qui avoue entrer en communion avec les disparus et l’au-delà… Confiante dans le cycle naturel de la vie, elle sait que rien n’est immuable. « Je suis croyante dans l’être humain, dans l’énergie, dans ce qu’il y a de plus grand que nous. » Sa spiritualité, à présent « dénuée de toute religion », est intense et la porte à une méditation personnelle tous les soirs. Toutefois, elle qui fut maman catéchiste, ne se tourne plus vers la religion catholique, même si elle avoue ne cesser d’entrer dans les églises qu’elle croise sur son chemin. La rencontre d’un moine bouddhiste l’a menée à prendre davantage conscience de l’instant présent. Quotidien, ce ressourcement intérieur est « un vrai moment d’intériorité » qui la nourrit, souvent accompagné de musique classique, sacrée ou zen. « Tout ce qu’on vit est source d’apprentissage. Que ce soit un prêtre, un psy, un maître zen, un professeur, on croise sur nos routes des guides auxquels il est important de s’attacher », confie Véronique. Elle dit aussi être passionnée de psychologie, d’anthropologie, de sociologie, etc. tous ces domaines d’étude qui visent à mieux comprendre l’individu. « C’est tout ce que j’ai vécu en tant que maman et en tant que femme qui nourrit ce que je suis aujourd’hui. » Universelles, les émotions ressenties doivent être intégrées avant d’être restituées par la création artistique. Pour Véronique, l’accomplissement intérieur implique de « se reconnaître dans sa singularité, l’aimer, la revendiquer, la porter à bout de bras, sans écraser celle des autres et trouver la joie dans ce qu’on est et ce qu’on apprend. Quelle qu’elle soit, la vie n’est que le changement. C’est un océan en mouvement ».
Garder les yeux ouverts
Lucide, la quadra a conscience de l’évanescence de la vie. « Les dons se reçoivent, sans mérite. C’est le travail qui façonne les choses. A 18 ans, j’étais coincée par beaucoup de normes dans lesquelles je m’étais placée moi-même. C’était très scolaire. » Son acuité à la perception et à l’observation s’est développée avec la maturité, lorsqu’au début de la trentaine elle s’est découverte et a trouvé sa liberté.
Fidèle en amitié et convaincue qu’il faut lui consacrer du temps pour l’entretenir, Véronique voit deux à trois fois par mois sa meilleure amie, se faisant une obligation de dégager du temps pour leurs déjeuners ou pour leur soirée mensuelle. Ce lien privilégié fait partie de ses repères ordinaires, dans les hauts et les bas de la route parcourue. Faire face et « être une femme ou un homme debout, sans être nécessairement un roc. La clef se trouve dans le fait de reconnaître et d’accueillir chaque émotion ». Avoir été confrontée à des drames ou des blessures dans l’enfance a probablement renforcé la sensibilité de cette romaniste, qui ne cesse jamais de croire que le soleil revient après la pluie…
Angélique TASIAUX
Actuellement en tournée en Belgique: www.veroniquegallo.com.