
(c) DR
A l’âge respectable de 94 ans, le Père José Michaux, dom Willibald, o.s.b, grande figure de l’Abbaye de Maredsous, nous a quittés le 3 novembre. Un hommage lui a été rendu lors d’une veillée le mercredi 8 novembre. L’Eucharistie a été célébrée le lendemain. Portrait de ce fin connaisseur des Écritures Saintes.
D’une jeunesse heureuse au noviciat
Né le 4 avril 1924 à Ways-Genappe, d’un père brabançon et d’une mère ardennaise, José Michaux est le seul garçon du couple qui aura aussi trois filles. Son père est juge de paix selon la tradition familiale. Lorsque celui-ci meurt, alors que José n’a que trois ans et demi, la famille emménage à Bruxelles. Le frère de sa grand-mère, le général baron Jacques de Dixmude, le prend sous son aile, mais lui aussi meurt peu après. C’est par le biais du scoutisme que José Michaux découvre la vie des moines de Maredsous. Cette période fut pour lui celle d’une jeunesse heureuse. Lorsque la guerre éclate, José a tout juste seize ans. Avec un ami, il prend son vélo et rejoint la France où il est incorporé dans un CRAB (centre de recrutement de l’armée belge). Il parvient à s’enfuir et, après un passage par Paris, il atteint Toulouse puis Montpellier. Il est embauché avec son compagnon de route comme ouvrier vinicole pendant quatre mois. De retour à Bruxelles, il termine ses humanités à Saint Michel puis entame des études de philosophie aux Facultés Saint Louis. Cette période est marquée par des lectures (André Gide, Dostoïevski,…) et des grandes amitiés qui ont traversé les années. A cette époque, José et son ami Claude Florival rendent régulièrement visite à Paul Hioco, devenu frère Columba, dans la communauté de Maredsous. Il y fait une rencontre décisive, celle du père Bernard de Géradon. José entre alors au noviciat qu’il qualifie lui-même de très austère. Sous la conduite du prieur, le Père Jules Harmel (à l’arrestation duquel José assista pendant la guerre), la communauté compte alors cent-vingt moines.
Formation et création d’une revue biblique
Après son noviciat, José Michaux perfectionne sa formation en philosophie et théologie et connait une seconde rencontre décisive dans sa vie, celle du père Célestin Charlier, préfet des clercs. Le père Michaux est envoyé à Lyon pour y obtenir un baccalauréat puis une licence en Théologie et poursuivre un doctorat. Le père José dit avoir été adopté par la famille Bothier et, pendant plus de soixante ans, partagera les grands événements familiaux du clan lyonnais. Il découvre aussi la grande école des Jésuites, « milieu en pleine fermentation », selon ses mots. Il est impressionné par la liberté de pensée, la radicalité, l’ouverture et l’humour de Pierre Ganne. En 1952, il rentre à Maredsous et suggère le lancement d’une nouvelle revue de spiritualité biblique. Le Père Célestin accepte d’en prendre la direction, grâce aux efforts de persuasion du père José. S’ouvre alors une « chasse » aux éditeurs et collaborateurs parmi lesquels Le Cerf, Desclée, Casterman, et, comme premiers collaborateurs, Louis Bouyer ou André Chouraqui. Le premier numéro de la revue intitulée « Bible et vie chrétienne » parait en 1953.
Formation à la psycho-sociologie et rencontre avec Nicole Velge
Fin des années 1950, José Michaux contribue aussi à la création d’un studium de théologie monastique à Maredsous ; il y assure un cours de théologie biblique et un autre d’hébreu. Le nouveau studium est fréquenté par une vingtaine d’élèves issus de monastères français, majoritairement féminins. Parallèlement, de nombreux cercles bibliques voient le jour en Belgique et le père José y fait la rencontre de Baudouin et Nicole Velge et leurs chemins ne se quitteront plus.
En 1961, le père Columba, devenu recteur du Collège de Maredsous, lui demande d’endosser la fonction de préfet des études. Cette expérience pédagogique fut pour lui enrichissante.
En 1967, il se voit confier par le père Abbé Godefroid et son prieur Olivier de Roy la création d’une maison d’accueil pour les candidats à la vie monastique ; la maison se trouve à Bruxelles dans un quartier pauvre. Le père José assiste aux tribulations de mai 1968 et à ses répercussions sur le monastère. José Michaux impose aux candidats l’apprentissage d’un métier profane et se voit reprocher de ne pas lui-même en maîtriser un. Touché par cette remarque, il décide de se former à la psycho-sociologie. Reconnu pour ses compétences dans ce domaine, il reçoit avec son amie Nicole le titre de « Maître de Conférences en communication » à l’ENA (Ecole Nationale d’Administration); il enseigne également à l’institut Auguste Comte pour les Sciences de l’Action, autre prestigieuse institution parisienne. Sur son amitié de plus de soixante ans avec le « père Will », Nicole Velge nous confie : « Son charisme, c’était son écoute absolument inconditionnelle qui donne une place entière à l’autre. Beaucoup de personnes avaient le sentiment d’être quelqu’un d’important quand il lui parlait. » Nicole Velge nous parle aussi de sa profonde vocation : « Cet homme d’une finesse et d’une intelligence extraordinaires aurait pu être diplomate ou ministre. Mais il était moine. Il priait beaucoup et donnait une importance remarquable à l’Absolu dans sa vie, comme il le disait lui-même. » Son amie Nicole admirait aussi sa liberté d’esprit.
De nouvelles responsabilités
Après un retour au Collège pour y enseigner en classe de rhétorique (1972-1980), le père José s’investit beaucoup dans son activité de psycho-sociologue toujours avec Nicole Velge. Leur travail quitte progressivement le monde profane pour investir le monde religieux. Ils assurent notamment une formation permanente pour le clergé namurois et donnent de multiples sessions dans des monastères français. Nicole Velge nous décrit ses longues années de complicité : « Nous formions une bonne équipe car nous étions complémentaires dans l’animation, parce qu’étant femme et homme, nous apportions des regards différents. »
De 1987 à 1994, le père Michaux endosse la responsabilité de prieur de l’abbaye de Maredsous. Cette époque correspond à une période riche en rencontres qui l’amènent à organiser de nombreux colloques sur l’humanisme, la co-responsabilité, l’engagement. Un petit réseau de fidèles se constitue autour de lui parmi lesquels Edmond Blattchen, présentateur de la célèbre émission « Noms de dieux » . Ce dernier gardera en souvenir du père Michaux « ses yeux clairs, son doux sourire, son regard accueillant, bienveillant, et sa belle écriture ». Pour l’homme de télévision, le recueil « Et si Dieu était Jésus ? » du père Michaux est « un trésor pour tous ceux qui ont eu la chance d’entendre, au fil du temps, ses homélies inspirées et inspirantes ». Edmond Blattchen estime que c’est un « privilège » de l’avoir connu lui « qui n’avait pas besoin d’invoquer le nom de Dieu pour Le rendre présent ». Il ajoute : « Plus que jamais, dans un monde tourmenté et menacé, nous aurons besoin de lire, et de relire, ses « bonnes nouvelles ». Les auditeurs de RCF ont eu l’habitude de l’entendre commenter l’Evangile de Jean au micro de Pierre-Paul Delvaux. Quinze jours avant sa mort, le père Michaux publiait encore un livre sur Jésus et la Samaritaine. Il est décédé paisiblement à Maredsous le 3 novembre 2017.
Sophie Delhalle