
(CNS photo/Tullio Puglia, pool)
A l’occasion de la 104e Journée mondiale du migrant et du réfugié, le pape François a énoncé 21 mesures concrètes à prendre à l’égard de l’immigration. Décryptage de propos qui bousculent.
Dans son message, publié le 21 août, pour la Journée mondiale du migrant et du réfugié, qui sera célébrée par l’Eglise catholique le 14 janvier 2018, le pape François appelle une nouvelle fois à ne pas faire d’amalgame entre immigration et terrorisme. Il plaide pour un accueil large et généreux des migrants mais aussi pour leur protection, leur promotion et leur intégration. Mais François va plus loin: réaffirmant son opposition à toute restriction de l’immigration, il énumère 21 propositions concrètes, parmi lesquelles l’octroi de visas humanitaires ou l’encouragement au regroupement familial. De même, il estime qu’au nom du « principe de la moralité de la personne humaine, la sécurité personnelle des migrants doit passer avant la sécurité nationale ». De quoi faire bondir certains milieux politiques, qui n’ont pas hésité à qualifier le Saint-Père de « naïf », lui reprochant son ingérence « angélique » dans un dossier politique, parlant de « coup de force » et déclarant même que « le pape veut tout donner aux musulmans ». Ainsi, l’ancien ministre français Pierre Lellouche parle d’un texte « proprement dévastateur » qui « met un peu plus en danger le continent européen, alors qu’il subit déjà une vague terroriste de grande ampleur depuis plusieurs années ». C’est précisement ce que François veut combattre: l’amalgame entre réfugiés et terroristes.
Mettre la personne humaine au centre
Les mesures concrètes avancées, que l’on pourrait assimiler à un programme d’actions, résument bien la pensée du pape argentin sur la question des migrations. Elles visent, tant dans les pays d’origine, que dans les pays d’accueil, à rendre légale l’immigration illégale. Dès le début de son pontificat, François n’a cessé d’appeler les pays riches et l’Europe, à faire davantage en faveur des migrants. Quatre mois à peine après son accession au trône pétrinien, il avait réservé son premier voyage papal à cette problématique, en se rendant dans l’île italienne de Lampedusa, alors en première ligne du drame des migrants en Méditerranée. Un déplacement significatif. Il avait alors demandé aux Européens « d’ouvrir leurs portes ».
Il ne faut pas voir dans le message papal une invitation à privilégier les réfugiés au détriment des ressortissants nationaux. En écrivant que la sécurité des personnes passe avant la sécurité nationale, François ne défend pas aux Etats le droit de se protéger, mais il met la personne humaine au centre; un thème qui lui est cher et par là, il balaie l’argument sécuritaire comme prétexte pour refuser l’accueil des migrants. Le souverain pontife est conscient des enjeux et des défis en matière d’immigration, mais en ce faisant, il promeut l’humain et protège l’humanité qui doit nous être chevillée au cœur. Le principe fondamental qui le guide est clairement indiqué au début de sa lettre: « Tout immigré qui frappe à notre porte est une occasion de rencontre avec Jésus-Christ, qui s’identifie à l’étranger de toute époque, accueilli ou rejeté. »
François a voulu aussi agir à deux niveaux. D’abord sur le plan national italien. La Péninsule, faute d’accord au sein de l’Union européenne (UE), doit faire face à un afflux important de réfugiés et de migrants, lequel déstabilise le pays et provoque une crise politique au sein de la majorité. Ensuite, au niveau européen, où l’accueil des migrants est un sujet sensible, qui divise les Etats membres, et impacte les conditions mêmes du secours aux migrants en Méditerranée puisqu’elles sont remises en cause, notamment par le gouvernement italien.
Faire pression
Le pape veut donc avant tout changer les mentalités. Il entend aussi faire pression sur la communauté internationale pour qu’elle adopte les deux accords globaux – l’un sur les réfugiés, l’autre sur les migrants – dont le principe a été acquis en septembre 2016 lors d’un sommet de l’ONU.
Enfin, le successeur de l’apôtre Pierre donne une dimension théologique supplémentaire à la situation des migrants et des réfugiés en y voyant un « signe des temps ». Or, depuis le concile Vatican II, l’Eglise catholique s’efforce de décrypter ceux-ci pour mieux y répondre, comme le préconise la constitution pastorale Gaudium et Spes, promulguée en 1965, à l’issue du concile.
Par ce message, François nous rappelle que le migrant et le refugié sont avant tout des êtres humains, semblables à nous et enfants du même Père.
J.J.D.
Le texte intégral du message du pape François peut être consulté sur le site www.cathobel.be