Le duel pour le second tour des élections présidentielles françaises ne cessent d’amener chaque jour son lot d’appel à voter pour l’un ou l’autre candidat, voire à s’abstenir. Cette fois, des catholiques engagés et leurs amis, appellent à voter contre le Front National.
« Au nom de notre foi, voter Front National, c’est non. » C’est en substance le message lancé par des philosophes, prêtres, religieuses, journalistes et économistes. Parmi ceux-ci figurent le père jésuite Gaël Giraud, prêtre, chef économiste de l’Agence Française de Développement, Véronique Margron, religieuse dominicaine et théologienne, Olivier Mongin, directeur de publication de la revue Esprit, Bernard Perret, économiste, Cécile Renouard, religieuse de l’Assomption, ou François Soulage, président de Chrétiens en Forum.
Trahison de l’Evangile
Dans leur appel, les signataires examinent d’abord quelles sont les raisons pour lesquelles certains catholiques envisagent d’accorder leur voix à Marine Le Pen le 7 mai prochain. « Beaucoup mettent en avant la fermeté prétendue des prises de position de la candidate du FN en faveur de la “vie”. A ceux-là, il faut rappeler que le FN ne s’oppose pas au droit à l’avortement, et n’entend nullement remettre en cause la loi Veil. Inversement, en se déclarant personnellement favorable au rétablissement de la peine de mort, et en proposant que les Français statuent par référendum sur son rétablissement, Marine Le Pen ne prend pas seulement à front renversé la condamnation de la peine capitale unanimement formulée par Jean-Paul II, Benoît XVI et François: elle témoigne de la profonde ambiguïté du FN vis-à-vis de la “vie”. Veut-on revenir sur cet acquis fondamental de la fraternité inconditionnelle et du renoncement à disposer de la vie d’autrui qu’est l’abolition de la peine de mort? », interrogent-ils.
Ces catholiques, signataires de l’appel, soulignent que la Conférence Episcopale de France a répété, à plusieurs reprises, que renoncer à l’expérience spirituelle et politique de l’hospitalité – « comme le fait le FN à travers la politique de fermeture à l’immigration qu’il propose » –, c’est à la fois nourrir une illusion coupable et trahir le plus profond de l’Evangile. « Croire que les Européens – a fortiori des Français isolés au sein de l’Europe – pourront endiguer de tels flux migratoires est aussi illusoire que le rêve de M. Trump de mettre fin à l’immigration mexicaine grâce à un mur ». Et ils ajoutent: « Il ne s’agit pas de nier l’ampleur des défis de l’immigration, ni de contester l’importance du débat sur ce qui fonde l’appartenance à une patrie. Mais dans son encyclique Laudato si’, le pape François le souligne clairement: ‘Nous avons besoin de renforcer la conscience que nous sommes une seule famille humaine. Il n’y a pas de frontières ni de barrières politiques ou sociales qui nous permettent de nous isoler, et pour cela même il n’y a pas non plus de place pour la globalisation de l’indifférence’. »
Peu de respect pour les religions
Ils expliquent aussi qu’à leurs yeux, « on peut fort bien vouloir réformer l’Union européenne actuelle, réviser les Traités, instruire le débat qui fait défaut, au sein de l’espace européen, sur la pertinence de l’austérité budgétaire ». Et de rappeler que la déclaration de la COMECE, dédiée à la zone euro, faite en 2012 est très claire: « l’intuition initiale du projet politique européen – faire la paix par l’union entre les Européens – est en quelque sorte non négociable pour nous, catholiques ».
Enfin, les signataires mettent en exergue le rapport à l’Eglise tel qu’évoqué par la candidate FN: « Je suis absolument croyante, mais je suis un peu fâchée avec l’Eglise. Du coup, je suis une catholique de parvis. » Et ils rappellent la réponse de Marine Le Pen aux interventions de l’épiscopat français en faveur du respect des Roms et de la bioéthique: « Les curés devraient rester dans leur sacristie, surtout quand on voit leurs résultats. Une partie de l’effondrement moral de nos sociétés, de l’avancée de l’individualisme et du consumérisme, est liée à l’affaiblissement de l’Eglise. Si les prêtres s’occupaient de leurs ouailles plutôt que de politique, cette situation serait probablement réversible. »
« Refuser à l’Eglise catholique le droit de contribuer au débat démocratique, voilà qui, pour le moins, trahit une vision peu respectueuse des confessions religieuses – chrétiennes ou autres – et de la laïcité républicaine », ajoute ce collectif de catholiques engagés. Et de déclarer, sans équivoque: « Accuser l’Eglise d’être elle-même responsable de l’individualisme et du consumérisme ambiants, c’est trahir l’ignorance qu’on a d’elle, et révéler que l’on ne se tient même plus sur son parvis ».
En conséquence de quoi, ils concluent: « En conscience, au nom de notre foi, voter Front National, c’est non. »
D’après La Croix