Donald Trump a donc finalement remporté les élections à la présidence des Etats-Unis. Cette victoire est avant tout celle du repli sur soi, mais surtout celle du rejet de la politique traditionnelle.
Le suspense a duré toute la nuit et finalement ce qui paraissait impensable s’est concrétisé: Donald Trump deviendra le 45e président des Etats-Unis d’Amérique, après une campagne dure, outrancière, faite d’insultes et de coup bas, sans véritable débats de fond. Certes, son premier discours, une fois la victoire confirmée, a prôné l’unité et le rassemblement. Une obligation dans un pays qui est aujourd’hui fortement divisé. La victoire est sans appel, alors qu’on attendait un résultat serré. Alors, comment en est-on arrivé là? Quel est le vrai sens de cette victoire? Ce sont des questions que chacun se pose ce matin, un peu partout dans le monde. Un tweeter a écrit: « Ce qui est terrible n’est pas que Donald Trump ait gagné, c’est que personne n’ait pu arriver à le battre ».
Trois gagnants: la peur, l’individualisme, le rejet
La victoire républicaine, aussi au Sénat et à la Chambre, est d’abord celle du repli sur soi. De la peur de l’autre aussi. L’individualisme est le grand vainqueur de cette élection. C’est interpellant dans un pays où tant de gens sont laissés au bord du chemin et alors que le président Obama avait réussi à imposer, non sans difficulté, une couverture sociale à des millions d’Américains qui n’en bénéficiaient pas. Ainsi sont faits les Etats-Unis, une nation où l’on met en avant la réussite censée incarner le « rêve américain »; un pays où celui qui est chômeur, exclu est un « loser ».
On retiendra que la victoire du candidat républicain est surtout celle de l’échec de la classe politique traditionnelle, celle aussi du rejet d’un establishment décrié. Trump s’est posé en victime et cela a fonctionné: Seul contre tous, cela plaît. La faute en incombe à cette classe politique qui a déçu et surtout qui n’a pas pu expliquer comment faire face aux défis du monde d’aujourd’hui, de la globalisation et de la mondialisation. Or, ces défis font peur aux USA, comme de ce côté-ci de l’Atlantique. Tous nous percevons que notre monde se trouve à un tournant, que les défis sont gigantesques: lutte contre le réchauffement climatique, terrorisme, crise migratoire, crise sociale et économique, crise de confiance aussi. Cela provoque inévitablement un sentiment de peur. Et lorsqu’on surfe sur la peur, on finit par convaincre cet électorat angoissé. On y arrive d’autant plus facilement que la classe politique traditionnelle semble ne pas avoir de solutions et a cruellement manqué de pédagogie. Il faut aujourd’hui dire aux populations que chaque étape de l’Histoire du monde a eu ses soubresauts, voire ses heures sombres. Mais c’est le courage, l’abnégation et le fait d’avoir une vision d’avenir qui ont permis à l’Humanité de se relever et de faire face. Trump l’a compris. Durant toute sa campagne, il a galvanisé un électorat blanc modeste se sentant laissé pour compte face à la mondialisation et aux changements démographiques, auquel il décrivait un avenir sombre pour les Etats-Unis. Il a réussi à capter la colère et les frustrations d’une partie de l’électorat. A susciter l’espoir d’un changement.
Par ailleurs, l’échec d’Hillary Clinton est aussi le reflet d’une volonté populaire de faire de la politique autrement. Aux USA, comme chez nous en Europe et même en Belgique, nombreux sont ceux qui rejettent les « filles et fils de… », le « conjoint de… ». Il ne faut pas se voiler la face mais bien prendre conscience que cela contribue aussi à alimenter la thèse d’une élite politique coupée de la base et des réalités, qui ne se considère plus comme représentative de la société civile. C’est là dessus que jouent les populistes. Il est donc impératif de rappeler que nombreux sont les femmes et les hommes politiques qui font un excellent travail, parfois dans l’ombre, au service de la société.
Enfin, Donald Trump a su faire rêver. Certes, on verra ce qu’il en restera dans quatre ans. Mais ce rêve, c’est ce qui manque notamment à la jeunesse qui ne perçoit pas de perspectives dans les discours politiques actuels. Son allocution comme président élu a fait l’étalage de promesses dont on sait qu’elles ne pourront pas toutes être tenues. Qu’importe! Elles font rêver, elles sont comme des rayons de soleil dans un ciel plombé. Les gens ont besoin de rêves, car ceux-ci contribuent à faire avancer le monde.
Faut-il avoir peur?
Nombreux sont ceux qui craignent aujourd’hui un locataire de la Maison Blanche populiste, raciste et sexiste. Avec un Congrès majoritairement républicain, on pourrait croire que le milliardaire-président aura les coudées franches. Ce n’est pas sûr. Durant sa campagne, il s’est mis à dos une large frange de l’appareil du Parti Républicain. Pas sûr donc que les élus républicains le suivent avec le doigt sur la couture du pantalon, surtout dans ses promesses délirantes.
L’élection de Trump à la présidence est un réel saut dans l’inconnu. Elle devrait nous permettre, à nous Européens, de nous renforcer. A l’heure où l’Union européenne est en panne, elle est l’occasion pour cette dernière de jouer un rôle international, là où les USA pourraient se retirer et laisser le champ libre à la Chine et à la Russie. Cette victoire de Trump doit aussi nous conscientiser à l’impérieuse nécessité de combattre le populisme, non par des paroles, mais bien par des actes. Aller à la rencontre des citoyens pour leur expliquer que les défis qui se posent à nous, sont avant tout des opportunités pour bâtir un monde meilleur, plus équitable et plus fraternel. Elle doit nous pousser à nous centrer sur ceux qui sont en rade, les exclus et les laissés–pour-compte. Il y va de l’avenir de la planète!
Jean-Jacques Durré
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