Ce dimanche 26 juin, une messe d'action de grâce a été célébrée à Anvers, pour le 48e anniversaire de la Communauté de Sant'Egidio. Mgr Matteo Zuppi, le nouvel archevêque de Bologne, a présidé cette célébration. A cette occasion, il a accordé un entretien à Benoit Lannoo, pour Cathobel.
"La tentation de s’isoler est très humaine", dit ‘don Matteo’ Zuppi. "Tant au niveau personnel qu’au niveau des peuples, nous avons tous le réflexe de penser que nous nous porterons mieux en nous isolant des autres. Mais ce réflexe est stupide!" Le nouvel archevêque de Bologne ne mâche pas ses mots, lors d’un entretien à Anvers dimanche dernier juste avant d’y présider la messe d’action de grâce pour le 48e anniversaire de la Communauté de Sant’Egidio dont il est toujours le conseiller spirituel. Matteo Zuppi était le premier prêtre issu de cette communauté internationale de laïcs. Après un ministère de trois ans comme évêque auxiliaire de Rome, le pape François vient de le nommer, en octobre dernier, comme archevêque dans la plus ancienne ville universitaire du monde, Bologne.
Quelques jours après la nouvelle accablante du ‘Brexit’ - le référendum des Britanniques qui ont décidé de quitter l’Union européenne - Mgr Zuppi concède que la réponse de l’Europe aux défis contemporains a souvent été un peu trop tardive et généralement trop technicienne. "Cela a évidemment facilité la tâche des politiciens qui veulent accuser l’Europe d’être la cause des problèmes. Mais c’est un leurre! Nous sommes la première génération sur ce continent qui avons vécu sans guerres. C’est grâce à l’Europe que nous connaissons la paix depuis plusieurs décennies, n’oublions jamais cela. Parler de nouvelles frontières en Europe est honteux par rapport à l’héritage de nos aïeux. Ils nous ont offert cette paix en cadeau, souvent au prix de leurs propres vies."
"l'Europe est un rêve, une grande vision"
Le monde chrétien a-t-il un rôle à jouer maintenant? "Bien évidemment", s’écrie ‘don Matteo’. "Comme le pape François l’a rappelé dans son allocution lors de la remise du Prix Charlemagne: ‘L’Europe est un rêve, une grande vision.’ C’est à nous de rendre la vision possible, c’est à nous de réaliser ce rêve! Car un chrétien doit toujours avoir des préoccupations plus larges et une vision plus ouverte que son propre petit horizon restreint. Le repli sur soi ne peut jamais être considéré comme une attitude évangélique. Imaginez-vous Jésus qui se soit replié sur lui-même? C’est inconcevable !" Et pour un chrétien, l’exemple de Jésus n’est-il pas toujours la réponse aux questions, même aux questions qui ne semblent pas être spirituelles au premier abord.
Or, les questions d’aujourd’hui sont fondamentalement spirituelles."Il s’agit de relancer une Europe qui fait des choix, une Europe qui s’engage pour un futur meilleur." N’empêche que Mgr. Zuppi comprend d’où vient le ressentiment de ceux qui veulent se replier sur eux-mêmes. "Les gens ont peur de l’avenir, ils ont peur de l’autre. Il faut davantage expliquer le pourquoi et le comment de l’engagement européen." Ayant vécu longtemps en métropole romaine avant d’être envoyé dans une ville tout compte fait plus petite, l’archevêque sait à quel point l’intolérance des gens est liée à la perception plus qu’à la réalité : "Mais quand on me parle de diversité à Bologne, je fais attention de ne pas porter mes lunettes romaines et de ne jamais répondre avec un simple : ‘Et alors ?’"
Car la peur des gens est réelle, ils méritent donc des réponses réelles. "Evitons tout moralisme! L’Evangile est toujours une invitation à construire des ponts plutôt que de nouveaux murs. Le pape François le dit plus clairement que jamais auparavant: nos communautés chrétiennes doivent veiller elles aussi à ne jamais devenir des îles qui ne se préoccupent que d’elles-mêmes; elles doivent s’ouvrir sur le monde et surtout sur les périphéries de nos villes, là où règne la solitude. Nous sommes appelés à être là, à construire des endroits où les gens peuvent se retrouver et se rencontrer, et à leur démontrer ainsi que Dieu est proche d’eux. Pas pour faire du prosélytisme; il s’agit de proximité! Telle est la vraie réponse à la peur et à l’intolérance: Dieu est là où il y a ouverture, Dieu vit dans le dialogue des uns avec les autres."
Propos recueillis par Benoit Lannoo
Photos: Mgr Matteo Zuppi - copyright Luc De Bolle-Sant'Egidio/DR